Trois questions à … Valéria Emanuele, Secrétaire générale du Syndicat National des Journalistes de Radio France

    Radio France est plongée depuis quelques semaines dans une crise sociale qui gène les programmes des trois radios nationales du groupe : Les radios bleues ne fournissent plus de sons à France Inter, France Culture et France Info.
    Valeria Emanuele, Secrétaire générale du Syndicat National des Journalistes de Radio France revient sur les origines de ce mouvement social.

    média+ : Quelles sont les raisons du mouvement social qui secoue Radio France depuis quelques semaines ?

    Valéria Emanuele : Le 3 juin 2005, nous avons obtenu l’embauche de quarante cinq précaires en CDI, en apportant la preuve qu’il y avait une précarité abusive dans les rédactions locales de France Bleu. La précarité apporte la souplesse nécessaire en cas d’évènements à couvrir, de vacances ou de maladie. Mais, dans certaines agences, il y avait cinq CDI et, en permanence, des « précaires réguliers », pigistes ou CDD, qui travaillaient l’équivalent de trois pleins temps.
    En juin 2006, les premiers engagements ont été fait. Les nouveaux postes devaient être financés par le budget alloué à l’embauche des précaires. Ça devait être fait à budget constant, mais la direction a décidé de mettre les nouveaux postes dans des petites agences locales. Ces dernières n’ayant pas suffisamment d’argent, la direction les a fait financer par d’autres agences voisines, qui avaient toujours les mêmes nécessités de remplacement, moins de budget et pas de postes.
    D’autant plus qu’ils ont surestimé le coût d’un CDI par rapport à un CDD, alors que le CDD coûte plus cher car il faut compter avec la prime de précarité et le remboursement des frais d’hôtel et de déplacements. La direction essaye de faire des économies : au niveau des radios nationales. En province, c’est plus discret, moins exposé : « loin des yeux, loin du cœur ». Mais, les journalistes des locales sont indispensables car, sans eux, il n’y a pas de reportages à Dijon ou de sport à Rennes.

    média+ : En guise de protestation, vous avez fait une « semaine blanche » du 16 au 22 octobre. En quoi cela consiste-t-il ?

    Valéria Emanuele : Les journalistes des radios bleues sont aussi correspondants de France Inter, France Culture et France Info. Plutôt que de faire la grève, nous avons décidé de faire cette « semaine blanche » pendant laquelle, les journalistes des locales n’envoyaient plus de sons à Paris. En coupant le « robinet » aux radios nationales, on montre que les radios nationales ont besoin des radios locales.
    Or, si les radios locales disposent de deux postes au lieu de trois, les deux journalistes vont devoir faire le travail de trois. Chaque radio travaille sur un «format» particulier : France inter, les papiers font 1’30; sur France info ou France Culture, ils font 2’ et sur Radio bleu, c’est entre 1’10 et 1’20. Il faut rebâtir tout le papier, repenser l’écriture et la manière dont les sons (Ndrl : enregistrement des intervenants extérieurs) sont insérés.

    média+ : Quels ont été les résultats de cette première semaine d’action ?

    Valéria Emanuele : Radio France appelle à des négociations. Pour l’instant, tout est suspendu, rien n’est annulé : la semaine blanche prévue du 6 au 13 novembre n’aura pas lieu. La direction a fait le tour de France des radios locales pour discuter avec les rédacteurs en chef et voir s’il n’y avait pas moyen de faire des économies. Elle a fini son tour. Elle refait ses comptes. Une réunion est prévue pour la deuxième moitié du mois de novembre. On espère que la direction présentera des chiffres plus cohérents, sinon on se remobilisera. D’abord, il y aura de nouvelles semaines blanches, ensuite, ce sera la grève générale de tout le monde, et pas seulement des journalistes.