Vassilis Vassilikos, homme politique de gauche, journaliste et écrivain prolifique

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Homme politique de gauche, journaliste et écrivain prolifique, Vassilis Vassilikos, disparu jeudi à 90 ans, était l’auteur de «Z», roman-réquisitoire contre la dictature des colonels en Grèce dont l’adaptation au cinéma par Costa-Gavras lui valut une renommée internationale. Chroniqueur de la Grèce contemporaine et militant socialiste infatigable, il fut élu en 2019 à 86 ans comme député au parlement grec sous l’étiquette de Syriza, le principal parti d’opposition longtemps présidé par l’ex-Premier ministre Alexis Tsipras. Récits, portraits, romans: ce grand fumeur, au front haut et aux sourcils broussailleux, a écrit une centaine de titres à mi-chemin entre la nouvelle et la chronique journalistique. Ecrits nostalgiques d’un exilé («Les photographies», «La Belle du Bosphore»), pamphlets politiques contre la dictature des colonels, contre l’argent («K», 1992) contre «les grandes puissances» qui altèrent, selon lui, la grandeur de la Grèce (le FMI, la Commission européenne) mais aussi le tourisme anarchique qui asservit le peuple grec. Il se fait plus élégiaque «Dans le dernier adieu» (1985) et «Foco d’amor», où il pleure la mort de sa 1ère femme. Très jeune, la Grèce lui accorde la gloire puis l’infortune. En 1961, «La Trilogie» («La Plante», «Le Puits», L’Angélisation») lui vaut à 33 ans le Prix des Douze (équivalent grec du Goncourt). Personne ne l’avait obtenu aussi jeune. Mais en 1967, il figure sur la liste des arrestations prioritaires de la police grecque. Un an auparavant, il a raconté dans «Z» l’assassinat d’un député de gauche Grigoris Lambrakis. Le régime des colonels (1967-1974) ne saurait l’oublier. Son chef d’oeuvre paru en 1966 et adapté au cinéma 3 ans plus tard avec Jean-Louis Trintignant, Yves Montand et la musique de Mikis Theodorakis, est traduit en 32 langues et projeté dans le monde entier. Il remporte 2 prix à Cannes et 2 Oscars. Comme toutes les oeuvres de Vassilikos, cette histoire restera interdite pendant les 7 années de dictature militaire que l’écrivain passa en exil, principalement à Paris. Né le 18 novembre 1933 à Kavala, Vassilikos grandit à Thessalonique, 2ème ville grecque dans le nord du pays. Elève au lycée français, il se passionne pour Gide, Sartre et Camus. Après des études de droit, il étudie la mise en scène pour la télévision aux Etats-Unis. De retour à Athènes, il travaille comme journaliste et scénariste. Après son exil parisien, il rentre à Athènes en 1974 et devient chroniqueur d’un grand journal. Ses «fiches zoologiques» où il compare les anciens tortionnaires à divers animaux préhistoriques sont particulièrement appréciées. Lorsqu’Andréas Papandréou, ancien Premier ministre forme en 1981 le 1er gouvernement socialiste grec, il lui confie les rênes de la télévision publique (ERT) pendant 3 ans. Son programme est radical: suppression de tous les feuilletons américains, «Dallas» et «Dynasty» en tête, abandon de la course à l’audimat, refondation du système de production. Son objectif est de remettre les Grecs à la lecture! A l’antenne, il explique que la télévision est une drogue au même titre que l’héroïne. «De même que la méthadone permet de déshabituer progressivement le drogué, le programme que je mets en place libèrera les Grecs de l’esclavage de la télévision». La méthadone, explique-t-il alors, «ce sera des séries françaises, allemandes de haut niveau». Et il diffuse «Berlin, Alexanderplatz», «Les Dames de la côte»… Le résultat est catastrophique pour l’audimat: «on m’appelait sans arrêt du ministère pour me dire que j’allais finir par dégoûter les gens du socialisme à cause de la télévision!», plaisantait-il dans «Télérama» en 1989. En 1996, il devient ambassadeur auprès de l’Unesco et tente de conquérir la mairie d’Athènes en 2014 sous l’étiquette du Pasok. Il laisse derrière lui sa femme, la soprane Vassileia Papantoniou, et sa fille Euridice.