Vivendi et Universal Music Group : «un mariage de passion et de raison»

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Plus de 20 ans après l’acquisition de Seagram, maison mère d’Universal Music Group (UMG), Vivendi se sépare du numéro un mondial de la production musicale en l’introduisant en Bourse. L’histoire de Seagram comme de Vivendi remonte à la fin du XIXe siècle. Au tournant des années 1980-1990, le 1er, bâti sur les spiritueux et les sodas, se diversifie notamment avec le cinéma et la musique. Vivendi, ex-Compagnie générale des eaux, s’attaque lui aux télécoms et aux médias (Canal+).En juin 2000, après des mois de négociation, l’union valorise le groupe canadien à 34 milliards de dollars. Sa dot est alléchante: Universal Music Group (Jimi Hendrix, U2, Elton John, Johnny Hallyday, Serge Gainsbourg…), numéro un mondial avec 27% du marché et des centaines de milliers de dollars de bénéfices. L’occasion rêvée pour enrichir l’offre sur les réseaux de Vivendi. Le président du groupe français, Jean-Marie Messier, se félicite de ce «mariage de passion et de raison». La filiale spiritueux de Seagram est cédée dans les mois qui suivent et Vivendi Environnement (Veolia) entre en Bourse: Vivendi Universal se focalise sur les médias. Début 2000, Vivendi est à son apogée et J6M («Jean-Marie Messier moi-même maître du monde»), un surnom inventé par les Guignols de l’Info qu’il reprend volontiers, se lance à la conquête de l’Amérique par des acquisitions. Mais deux ans plus tard, le titre de Vivendi Universal est au plus bas et les pertes sont abyssales (23,3 milliards d’euros en 2002). Un scandale éclate et J6M est poussé à la démission. En 2011, il est condamné à trois ans de prison avec sursis en lien avec le parachute doré de 20,5 millions d’euros qu’il s’était fait octroyer sans accord du conseil d’administration, mais auquel il a fini par renoncer. Les juges retiennent aussi l’infraction de «diffusion d’informations fausses ou trompeuses» sur la bonne santé financière de Vivendi Universal qui croulait en fait sous les dettes. Le groupe se recentre sur les télécoms, la télévision, les jeux vidéo et la musique. UMG continue de remplir les caisses et se renforce avec l’acquisition en 2011 de son concurrent britannique EMI Music. La major concentre ainsi près de 40% de parts de marché, avant d’être rattrapée par les autorités de la concurrence et de devoir se séparer de certains labels. Avec l’arrivée en 2012 de l’actionnaire Vincent Bolloré, qui veut créer un géant mondial façon Fox ou Disney, Vivendi se recentre encore plus sur Canal+, UMG et ses disques d’or (Beatles, Rihanna, Lady Gaga, Justin Bieber…). Dès l’acquisition de Seagram, J6M prédisait de «nouvelles formes de consommation» de la musique sur internet. Contrats avec Youtube et Disney, placement de produits et analyse comportementale des fans de musique avec la complicité de Havas (publicité et communication): chez Vivendi, UMG prend le tournant du numérique. Le streaming tire la croissance du groupe et UMG est désormais presque autant valorisée que sa maison mère. Dans les années 2010, la rumeur voit UMG bientôt en Bourse et les offres d’achat se multiplient. A partir de 2017, l’idée d’une cotation revient régulièrement. «Au plus tard début 2023», indique le président du directoire de Vivendi, Arnaud de Puyfontaine, en février 2020, deux mois après l’annonce tonitruante de l’entrée au capital d’UMG d’un consortium emmené par le chinois Tencent. Le colosse asiatique prend 10% pour 3 milliards d’euros, puis 10% de plus en décembre 2020. En mai 2021, Vivendi annonce son intention de coter UMG à Amsterdam d’ici le 27 septembre et de préalablement distribuer aux actionnaires 60% du capital sous forme d’actions. Dans la foulée, il vend à l’été 10% au financier américain Bill Ackman, pour 3,5 milliards d’euros, faisant grimper un peu plus la valorisation d’UMG à quelques mois de son introduction en Bourse. Vivendi ne conservera à terme que 10% de sa major, dont environ 18% seront détenus par le groupe Bolloré.