C8/ Schiappa chez Hanouna: vivement critiquée, la ministre oppose sa volonté de parler au plus grand nombre

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«Politique spectacle», «et pourquoi pas «Le journal du hard» ?»: la participation de Marlène Schiappa à une émission avec l’animateur controversé Cyril Hanouna vaut à la secrétaire d’État de virulentes critiques, auxquelles elle oppose sa volonté de parler au plus grand nombre. Intitulé «La parole aux Français», l’émission sera diffusée vendredi à 22h30 et doit donner, en plein grand débat national, la parole à des «retraités, infirmiers, demandeurs d’emploi, commerçants, enseignants, agriculteurs», qui «témoigneront de leur quotidien», selon la chaîne C8. La participation de Mme Schiappa à l’émission de Cyril Hanouna a déclenché des critiques dans la classe politique: «Ridicule» pour EricCiotti (LR), «de la politique spectacle» pour le député de la majorité Richard Ramos (MoDem). «si «Le journal du hard» existait encore, peut-être que Mme Schiappa irait», a pour sa part lancé le maire LR de Nice Christian Estrosi, oubliant que l’émission, qui traite de l’actualité de la pornographie, est toujours diffusée sur Canal+. «Si le Journal des Beaufs existait à la télévision, on (en) connaît qui en seraient les animateurs», a répliqué la ministre Nathalie Loiseau, tandis que le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux fustigeait une «rare misogynie», un «sexisme avéré». Les incursions du personnel politique dans des émissions de divertissement et les polémiques qu’elles provoquent datent déjà d’il y a une trentaine d’années  «Si certaines personnalités se refusent à jouer le jeu de l’«infotainment», nombreux sont ceux qui s’y risquent dans l’espoir de toucher un vaste public en attirant la sympathie sur leur personne», rappelle le politologue Christian Le Bart dans «Les émotions du pouvoir» (Armand Colin, 2018). En 1987, la ministre de la Santé Michèle Barzach passe une «Sacrée soirée» avec Jean-Pierre Foucault sur TF1. Plus tard, Arlette Laguiller avait fredonné «Mon p’tit loup» dans une émission de variétés et Jack Lang s’était illustré dans «Super sexy». «François Léotard était venu chanter L’Ajaccienne et Lionel Jospin avait entonné Les Feuilles mortes» chez Patrick Sébastien, note le journaliste Philippe Reinhard, dans «Presse et pouvoir» (First, 2011), en rappelant qu’à l’époque, «beaucoup de commentateurs ont dénoncé un mélange des genres, qui est pourtant électoralement payant». Certes, mais «Patrick Sébastien, c’est Jean d’Ormesson par rapport à Hanouna», raillait mercredi un sénateur, quand Nicolas Dupont-Aignan trouvait «insensé» que Mme Schiappa aille sur C8. «Je crois que c’est au contraire une bonne initiative que d’aller s’adresser à 700.000 personnes qui regardent l’émission de Cyril Hanouna et qui, peut-être, n’auraient pas su comment participer au grand débat national», leur a répondu l’intéressée. Les refrains avaient encore la même mélodie, 20 ans plus tôt, quand Michel Drucker invitait tous les mois une femme ou un homme politique dans «Vivement dimanche», un an pile après que TF1 eut supprimé sa grand-messe politique «7 sur 7». Quasiment tout le personnel politique est finalement passé sur le canapé rouge de France 2… à l’exception du Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin. Ce qui, selon Drucker, l’a privé de 2nd tour de la présidentielle en 2002. Reste toutefois un genre – pour l’instant – prohibé: la téléréalité. En 2003, le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé était prêt à participer à un projet de TF1 qui voulait envoyer des ministres «en immersion» dans le quotidien d’une famille française. Refus de Jean-Pierre Raffarin. «Le politique qui se met en scène, c’est contre-productif», avait tranché Matignon.