Canal+/ «Le studio de la Terreur» : enquête documentaire sur la machine médiatique du groupe Etat islamique

«Le studio de la Terreur», enquête documentaire réalisée par Alexis Marant et diffusée mardi soir sur Canal+, donnait la parole à des témoins directs de la «mécanique de propagande» du groupe Etat islamique calquée sur l’industrie du film hollywoodien.

L’enquête d’Alexis Marant, prix Albert Londres 2006, qui a duré dix-huit mois, faisant appel à tout un réseau de correspondants au Moyen-Orient, en Europe et aux Etats-Unis, donne la parole à des «propagandistes», cameramen, techniciens et «Emirs» des médias, qui témoignent devant la caméra.

«Certains ont quitté le réseau islamiste mais restent des jihadistes», a déclaré le réalisateur. Ils évoquent la présence, à la tête de la machine de propagande, de «l’Emir Abou Abderahman Al Amriki, un Américain qui a travaillé à Hollywood» et affirment, le visage dissimulé, que de nombreux professionnels étrangers travaillent pour la propagande du groupe État Islamique.

Certains témoins disent avoir eux-mêmes participé à la fabrication des vidéos de l’horreur qui inondent les réseaux sociaux. «Ils racontent de l’intérieur la mise en place et le fonctionnement de cette production très sophistiquée».  Ils précisent que 120 caméras de toute sorte et du matériel ultra-sophistiqué acheté en Turquie, équipent le grand studio basé à Raqa, la «capitale» du groupe Etat islamique en Syrie, dans un lieu très secret. «Dans cet endroit on peut décider du sort des gens, un studio de la mort», rapporte l’un d’eux. De «très gros moyens» sont investis dans la machine, dit Wassim Nasr, journaliste à France 24, spécialiste des réseaux jihadistes interrogé dans le film.

Des experts intervenaient également dans ce film exceptionnel de 90’ qui donne le frisson. Il s’agit d’une «analyse des mécaniques de propagande de Daech mais ce qui m’a le plus intéressé dès le début c’est l’effet miroir» avec notre «pop-culture», a déclaré à Diego Buñuel, directeur de l’unité documentaire de Canal+.

De fait, le récit entraîne d’un studio à l’autre, de Raqa à Hollywood, en passant par l’Irak, la Turquie, et les capitales européennes. Ils utilisent les rouages éprouvés de notre industrie de fiction, explique Diego Buñuel, «pour accrocher le téléspectateur». «On sait qu’il faut mettre en scène au moins un ou deux meurtres dans les trois premières minutes dans les films que nous produisons», ajoute-t-il. «Notre culture valorise une masculinité ultraviolente. Pour être un homme, il faut avoir un «gun» (une arme à feu) et buter des mecs».

Leur propagande «est extrêmement maligne parce qu’elle est calquée sur notre propre culture» qui fonctionne bien pour «racoler des jeunes nés en Occident», renchérit de son côté le réalisateur.

Cela fait partie de ces «choses implantées» dans l’imaginaire collectif d’une jeunesse élevée dans la culture des films hollywoodiens et des jeux vidéo.