CEDH : l’ancien dirigeant d’un groupe de presse turc fait condamner Ankara pour la durée «excessive» de sa détention provisoire

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L’ancien dirigeant d’un groupe de presse turc, Hidayet Karaca, qui purge actuellement une peine pour «terrorisme», a fait condamner mardi Ankara par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour la durée «excessive» de sa détention provisoire, longue de près de trois ans.

Dans son arrêt, la CEDH a notamment pointé «l’énumération stéréotypée (…) de motifs d’ordre général» par les cours d’assises turques qui ont jugé le  requérant, «sans analyse approfondie des arguments en faveur d’une remise en liberté».

La détention provisoire de M. Karaca, né en 1963, avait débuté le 18 décembre 2014 et n’a pris fin que le 3 novembre 2017, date de sa condamnation en première instance à plusieurs peines de prison pour «terrorisme», soit deux ans et 11 mois, note la Cour européenne dans son arrêt.

Au moment de son arrestation, rappelle la Cour, il dirigeait le groupe de médias Samanyolu, proche du groupe fetullahiste, considéré terroriste par Ankara.

Autrefois allié précieux de M. Erdogan, le prédicateur Fethullah Gülen a été accusé par les autorités turques d’avoir répandu les soupçons de corruption qui ont visé le gouvernement en décembre 2013, quand le président, Recep Tayyip Erdogan, était encore Premier ministre. Ce dernier tient également Fethullah Gülen, installé depuis aux Etats-Unis, responsable de la tentative de coup d’Etat de 2016.

Le pouvoir turc reprochait à M. Karaca d’avoir assuré la diffusion sur l’une des chaînes du groupe Samanyolu d’une série télévisée qui aurait calomnié, «en les présentant comme des terroristes, les membres d’un autre groupe islamiste, connus sous le nom de «tahsiyeciler» («les annotateurs»)», aux opinions «en général opposées à celles des fetullahistes», indique la CEDH.

Invoquant plusieurs articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, M. Karaca se plaignait de n’avoir pas pu «contester efficacement la régularité de sa détention provisoire» ainsi que la durée de celle-ci.

Les juges européens lui ont donné raison sur plusieurs points, notamment sur «l’irrégularité des décisions» de le maintenir en détention provisoire et sur la durée manifestement «excessive» de cette mesure.

Ankara devra lui verser 18.000 euros, notamment au titre du préjudice moral.