«Eden» (ARTE), la série qui raconte l’enfer des réfugiés, en compétition au festival Séries Mania

764

Recourir à la fiction et plus particulièrement au genre tendance des séries pour «ramener l’humanité dans le débat» sur la crise des migrants, c’est le pari d’«Eden», série d’Arte en compétition au festival Séries Mania où le thème a aussi inspiré d’autres créateurs. Les premières minutes d’»Eden» donnent le ton : sur une plage en Grèce, des vacanciers lézardent sur la plage quand débarque sous leurs yeux médusés un zodiaque chargé de réfugiés en grande détresse, anomalie dans la carte postale. Filmée entre la Grèce, la France, l’Allemagne et Bruxelles, la série (6×45 minutes) propose un regard croisé sur l’accueil des migrants en Europe et sera diffusée début mai sur Arte. «On voulait traiter un sujet qui concerne la France et l’Allemagne mais sorte des sentiers battus : pas un autre sujet sur la deuxième guerre mondiale ou sur les différences culturelles, on a choisi un sujet d’actualité où on pouvait poser un regard commun sur un problème de société», explique le directeur de la fiction chez Arte, Olivier Wotling. «C’est un sujet qui est déjà largement couvert sur Arte, mais pas en fiction, il est très abstrait et là on ramène de l’humanité et de l’empathie dans le débat», poursuit-il. Réalisé par Dominik Moll («Harry un ami qui vous veut du bien», «Lemming» ou «Tunnel» côté série), «Eden» a été coproduit avec l’allemand ARD et a été l’un des premiers projets à bénéficier du financement d’un nouveau fonds franco-allemand du CNC. «Je n’avais jamais abordé un sujet sociétal d’une telle importance dans mes films, ça m’a fait un peu peur», confie le cinéaste qui a notamment été attiré par le côté multi-langues de cette série, où le grec côtoie l’allemand, l’anglais, l’arabe et le français. Dans la série, cinq intrigues se croisent : l’une autour de la vie d’un camp en Grèce, notamment des employés, l’une autour de la gestionnaire du camp, une femme d’affaires interprétée par Sylvie Testud, une autre dans une famille allemande qui accueille un réfugié, une auprès d’une famille syrienne qui demande l’asile politique à Paris et l’une qui suit le parcours d’un jeune migrant nigérian. «L’écriture a été collective dès le début, la difficulté c’était de faire une fiction du réel sur un sujet qui évolue en permanence», détaille l’un des producteurs, Jimmy Desmarais. Lui-même s’est retrouvé confronté comme dans la série à l’arrivée de réfugiés alors qu’il était en vacances sur une île grecque en 2015 : «j’avais l’impression de voir l’histoire en marche». «On s’est beaucoup documenté, on a visité des camps de réfugiés en Grèce, on a pris énormément de consultants et certains acteurs sont eux-mêmes réfugiés», renchérit Dominik Moll, «mais on fait jouer les ressorts de la fiction pour que les téléspectateurs aient envie de regarder jusqu’au bout». Dans «Asylum city», une autre série qui aborde la crise des réfugiés présentée à Séries Mania hors compétition, le spectateur est prévenu dès le début : l’histoire est inspirée de faits réels.Mais le parti pris de cette série israélienne est celui du thriller : dans un quartier de Tel Aviv où vivent de nombreux clandestins, une militante qui les aide à obtenir des papiers se fait assassiner. Entre la mafia qui les exploite, la corruption et les tensions, la série explore leur quotidien de façon d’autant plus réaliste que certains acteurs sont eux-même réfugiés. «Dans la tête d’un réfugié il y a deux vies, c’est difficile à retranscrire», confie Jalal Altawil, l’un des acteurs d’»Eden», célèbre en Syrie mais qui a dû s’exiler en France. Une complexité qui inspire les créateurs vu qu’elle est aussi abordée dans la série russe en compétition à Séries Mania «Identification», qui se passe dans une communauté d’immigrés illégaux originaires du Kirghizistan.