La suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision, envisagée par le président Nicolas Sarkozy, chamboulerait le marché publicitaire français en entraînant des reports de budgets, notamment vers les chaînes privées, les radios ou encore l’affichage. Confiant tous avoir été «pris de court» par cette annonce, les publicitaires restent prudents dans leurs réactions à chaud. «Plus de publicité, est-ce que ça signifie plus d’écran publicitaire, plus de programmes sponsorisés, plus de placement de produits? On n’a encore ni le calendrier ni les modalités d’application, ce qui fait qu’il est extrêmement difficile d’évaluer précisément les conséquences de la réforme», explique Dominique Delport, P.-D.G. de Havas Media, qui concède que «c’est effectivement un big-bang qui est annoncé». En 2007, France Télévisions dit avoir engrangé un peu plus de 800 millions d’euros de recettes publicitaires. Pour Philippe Deshons, directeur média de l’agence H (groupe Havas), «c’est 8% des dépenses publicitaires des annonceurs qui vont être redistribuées, avec un effet de report d’abord sur TF1 et M6, puis sur la TNT, ensuite sur internet et enfin vers les autres médias, la presse, la radio et l’affichage». Pour l’Union de la publicité extérieure (UPE), qui regroupe les afficheurs, si le projet va à son terme, «il y a une possibilité de transfert de budget vers l’affichage», espère son président Stéphane Dottelonde. Le président de la fédération nationale de la presse française, Michel Comboul, se «félicite» quant à lui de cette réforme, persuadé que la presse «en aura les retombées favorables». Difficile de réagir pour le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV), qui regroupe la régie de France Télévisions et celles des télévisions privées comme TF1, M6 ou encore Canal+, car le projet prévoit de financer la suppression de la publicité chez la première par une taxe chez les secondes. Une chose est sûre: «nous ne sommes pas favorables à tout ce qui est taxe, donc nous serons très vigilants», explique Stéphane Martin, directeur délégué du SNPTV. «Cette annonce survient dans un contexte difficile pour la télévision» et un marché publicitaire globalement morose, note Eric Trousset, directeur marketing du pôle investissements publicitaires de TNS Media Intelligence. «Les chaînes publiques ont souffert en 2007, mais aussi M6 et TF1, avec un problème d’audience et de concurrence de la TNT. A fin décembre, les recettes publicitaires en télévision n’avaient augmenté que de 0,6%», détaille-t-il. Selon lui, la réforme «est l’occasion pour les chaînes de la TNT de décoller économiquement» mais «les plus inquiets vont être les annonceurs, face à l’augmentation des coûts». L’Union des annonceurs (UDA) s’est d’ailleurs «inquiétée» dans un communiqué «de projet de suppression de 25% de l’offre publicitaire à la télévision et de ses conséquences sur la croissance économique». Pour le groupe publicitaire Young & Rubicam France (filiale de WPP), la nouvelle «est d’une certaine manière une bonne chose, car cela redistribue les cartes et dynamise forcément le marché», estime Jacques Bungert, son co-président, toutefois «gêné qu’on oppose programmes de qualité et publicité». «Tout le monde a à y gagner», dit-il, prédisant que le marché, d’abord perturbé, va «retrouver son équilibre». «Cela va nous obliger à être plus créatifs vis-à-vis des annonceurs», dit aussi l’agence H. Moins d’optimisme chez Maurice Lévy, P.-D.G. de Publicis: «le marché français est un marché qui a une offre insuffisante, notamment en médias audiovisuels. Et il est clair que ne plus avoir accès à la télévision publique va handicaper le marché», a-t-il déclaré sur BFM.