«La télé n’a jamais été un objectif pour moi», assure Jean-Pierre Pernaut. Le présentateur vedette vient pourtant de fêter ses 40 ans à TF1, à la tête d’un journal télévisé souvent critiqué mais toujours leader. Lundi, il fêtera ses 27 ans de 13 heures, un record de longévité pour un JT, heureux «d’être au charbon tous les jours», à l’âge — 64 ans — où beaucoup partent à la retraite. A son actif, près de 5.500 13 heures, préparés selon une même recette faite de «proximité». Il y a d’abord cette voix, grave et chantante qui, chaque jour, salue en moyenne près de six millions de téléspectateurs. Puis, presque invariablement, le présentateur attaque par la météo. Vient alors l’actualité, dans le monde et en France, à Paris et surtout en régions. Arrivé à la tête du JT en 1988, après 13 ans à TF1, où il est entré dès le premier jour, il impose vite son style, avec ses sujets d’actualité et ses «magazines», ceux de la France des cafés et du patrimoine. Quarante minutes de journal, du lundi au vendredi, sans prompteur. Dans son bureau du deuxième étage de la chaîne, décoré d’une photo de Johnny, d’une figurine de Titeuf et d’une carte de France, Jean-Pierre Pernaut se félicite d’avoir pris, à l’époque, «vingt ans d’avance sur les autres» JT. Il se targue d’avoir été le premier présentateur télé à créer un réseau de correspondants en région, pour «avoir un journal moins parisien», «moins institutionnel», et «aller voir les gens chez eux». Les 19 bureaux régionaux de TF1 assurent «60 à 70% du 13 heures», souligne-t-il. Pour autant, plus que de la «proximité», le sémiologue François Jost voit dans ce journal un «certain populisme» : «On voit Pernaut comme quelqu’un de tourné vers la tradition, la province. Mais il promeut toujours, dans son discours, les intérêts du contribuable, du petit contre le grand, du provincial contre Paris». – ‘Je lui dois mon couple’ – Souvent raillé, le présentateur juge les critiques «caricaturales». «Il y a 20 ans, j’étais le seul à parler des tempêtes. Pour les autres, c’était vulgaire. Aujourd’hui, quand il tombe deux centimètres de neige quelque part, c’est quatre sujets au 20 heures de France 2», rétorque-t-il. Chaque matin, plutôt que de scruter les chaînes d’info en continu, il dévore les unes de la presse régionale, pour «voir quel est l’air du temps». Sa recette fonctionne: quand il succède à Yves Mourousi, alors patron du 13 heures, en 1988, TF1 ne réunit que 2,5 millions de téléspectateurs, derrière Antenne 2. Malgré un tassement récent des audiences, Jean-Pierre Pernaut est aujourd’hui aux commandes du «cinquième journal mondial, hors Asie, derrière le 20 heures de TF1», se félicite le présentateur, entré à TF1 le 6 janvier 1975, jour de la création de la chaîne. «Il ne s’arrête jamais. Il vit ses JT comme au premier jour, avec une soif, un engagement qui use parfois les gens autour», dit Catherine Nayl, directrice de l’information de TF1, pour expliquer sa longévité. Et cela passe par «des éclats de rires et des grands éclats», ajoute celle qui le côtoie depuis trente ans, allusion à ses mouvements d’humeur. Un correspondant en province confirme : si «JPP» est «proche de ses équipes», c’est aussi un «gros bosseur, très exigeant (…), colérique mais jamais méchant». A l’Ecole de journalisme de Lille, au début des années 1970, l’élève Pernaut ne sortait pas du lot. Mais «il était déjà hyperactif, hyperpassionné, très impliqué dans le boulot. On passait des soirées à faire des journaux, des reportages», se rappelle son camarade de promotion Jean Colin, directeur de France Bleu Pays de Savoie. Les week-ends, «Jean-Pierre» lui laissait les clefs de son appartement, pour qu’il y invite sa petite amie, raconte-t-il. Jean-Pierre Pernaut, lui, partait déjà présenter le journal télévisé, en Picardie. «Je lui dois mon couple», s’amuse Jean Colin. Aujourd’hui, les week-ends, le présentateur ne prête plus sa chambre, seulement son fauteuil du 13 heures, à Claire Chazal. Mais le lundi, à 7H30, ça recommence. Jusqu’à quand ? Sa mère, fait-il remarquer, vient de fêter ses 100 ans.