Jean Teulé, écrivain facétieux et féru d’histoire, qui s’est fait connaître du grand public comme chroniqueur télé dans les années 90

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Jean Teulé était un écrivain facétieux féru d’histoire, qui a revisité les figures de marginaux de la poésie qu’il admirait, et s’est fait connaître du grand public comme chroniqueur télé dans les années 90. C’est comme romancier que s’est accompli cet autodidacte, tantôt joyeux drille, tantôt mélancolique, décédé mardi à l’âge de 69 ans. Il a cultivé un ton décalé dès son premier roman, «Rainbow pour Rimbaud» (1991), qui narrait l’odyssée d’un habitant ordinaire de Charleville-Mézières sur les traces du célèbre poète. Ses succès s’appellent «Ô Verlaine» (2005), «Je, François Villon» (2006, prix du récit biographique) ou «Crénom, Baudelaire!» (2021). L’élite littéraire parisienne a toujours considéré son succès avec distance, tandis que lui ne dédaignait pas le qualificatif de populaire. «Je ne lis pas de romans. Je n’en lisais pas avant d’écrire, et je n’en lis toujours pas (…) Je n’ai pas envie que ça me coupe les pattes, et de me dire: s’il y a des mecs qui écrivent comme ça, c’est pas la peine que je prenne un crayon», expliquait-il sur France Inter en 2019. La télévision lui a assuré une certaine renommée auprès du grand public, d’abord au côté de Bernard Rapp dans l’émission «L’Assiette anglaise», puis sur Canal+ qu’il rejoint en 1994. Il a fait partie de l’aventure de «Nulle part ailleurs» en tant que chroniqueur. Il était aussi le compagnon de l’actrice Miou-Miou depuis 1998. Jean Teulé a remporté des récompenses originales comme le prix Trop Virilo 2015 avec «Héloïse, ouille!», sur l’histoire d’amour avec Abélard, ou le prix Maison de la presse 2008 avec «Le Montespan», sur le mari Madame de Montespan, la maîtresse de Louis XIV. Son dernier roman, «Azincourt par temps de pluie», lancé à 300.000 exemplaires en février, retrace la déroute invraisemblable des Français lors de cette bataille de 1415. Aussi basés sur des faits historiques, «Mangez-le si vous voulez» (2009), revient sur un lynchage en 1870, l’affaire de Hautefaye, et «Fleur de tonnerre» (2013) fait revivre une tueuse en série dans la Bretagne des années 1830-1840. Né le 26 février 1953 à Saint-Lô, ville normande sortie en ruines de la Seconde Guerre mondiale, Jean Teulé a d’abord été un élève médiocre en banlieue parisienne. Il était arrivé aux grands poètes non grâce à un professeur de lettres, mais par un disque. «C’est comme ça que j’ai découvert Rimbaud et Verlaine, et je suis tombé dedans grâce à [Léo] Ferré qui a chanté ça extraordinairement bien», racontait-il. «Moi aussi j’avais envie de faire mon boulot de passeur, et c’est ce qui s’est passé. Plein d’adolescents m’ont dit que sans moi ils n’auraient pas connu ces trois types-là». Il est ensuite entré dans le monde de la culture via la bande dessinée alternative. Il est l’un des dessinateurs du magazine «L’Écho des savanes» de 1978 à 1983, puis il publie ses propres albums, à commencer par «Bloody  ary» en 1983. Il reçoit un prix spécial au festival d’Angoulême 1989 pour un recueil de reportages, «Gens de France», qui sera suivi en 1990 de «Gens d’ailleurs», sur l’Afrique et La Réunion. «Il faut peu de lignes à Jean Teulé pour dresser un portrait ou restituer un drame», écrivait Le Monde en 2001. «Le Figaro», à l’occasion d’une fiction en 2007, «Le Magasin des suicides», saluait un auteur «ni trop léger dans le propos ni trop lourd dans la drôlerie».