Jonas Trueba, l’étoile montante du cinéma espagnol

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Dans la famille Trueba, ne pas demander Fernando, le réalisateur oscarisé, mais son fils Jonas: à 41 ans, ce cinéaste indépendant aux films empreints de mélancolie s’est imposé comme l’une des étoiles montantes du cinéma espagnol. Son huitième film «Venez voir» – le troisième à être distribué en France – sort mercredi dans les salles françaises. On y retrouve tous les ingrédients d’»Éva en Août» (2019), film qui l’avait fait connaître auprès des cinéphiles. Parmi eux, son actrice solaire Itsaso Arana (l’interprète d’Eva en Août), sa ville natale, Madrid, des sujets existentiels et un esthétisme minimaliste. Mais cette fois, ce n’est pas une jeune femme en quête d’elle-même qui est au centre du film, mais deux couples d’amis qui s’éloignent inexorablement l’un de l’autre. L’un fait le choix d’une vie pavillonnaire avec, dans ce désir d’une vie loin de la ville, celui d’avoir un enfant. L’autre non. D’une heure, épuré à l’extrême, ce film empreint de poésie questionne les façons de vivre de ses personnages, quelques mois après le confinement de mars 2020. Souvent comparés aux contes moraux d’Eric Rohmer, les films de Jonas Trueba s’intéressent aux transitions, aux périodes charnières de la vie. Dans «Eva en août», c’était le passage à la trentaine. Dans «Qui à part nous» (2021), son documentaire (de quatre heures!) sur la jeunesse madrilène, la fin de l’adolescence et dans «Venez voir», le début de l’âge adulte. «Je crois que j’essaye de faire un cinéma sincère avec les éléments les plus proches à ma propre vie. Chaque film répond un peu à des moments précis de ma vie», détaille celui qui dit apprécier le travail de François Truffaut ou celui du Sud-Coréen Hong Sang-soo. «Avant d’être réalisateur, je suis un spectateur de cinéma», ajoute-t-il. Spectateur mais aussi critique et enseignant. Le 7e art, Jonas Trueba l’a dans la peau. Né en 1981 à Madrid, il grandi dans une famille de cinéastes.Son père, Fernando Trueba («Belle Epoque» – 1992) est un grand nom du 7ème art espagnol. Sa mère est productrice de cinéma et son oncle scénariste. Quant à son prénom, c’est aussi un hommage à un film: celui du Suisse Alain Tanner, décédé en septembre, «Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000». Un héritage pas toujours facile à porter. «En Espagne, j’ai toujours le sentiment qu’il y a un a priori sur mes films. En France, l’approche est peut être plus honnête», confie-t-il. Pour autant, en Espagne comme en France, ce réalisateur à l’apparence juvénile, qui s’exprime avec beaucoup de soin, a su creuser son propre sillon. Celui d’un cinéma indépendant, d’auteur, «modeste et humble» loin du bruit et de la fureur des blockbusters. Il produit ses films avec sa société de production «Los ilusos», ne court pas les grands festivals de cinéma et se méfie des plateformes, convaincu qu’il existe un public pour cette offre cinématographique. En France «Eva en août» avait réalisé quelque 43.000 entrées. Un chiffre loin de celui réalisé récemment par son compatriote Rodrigo Sorogoyen avec «As Bestas», plus 320.000 entrées. Mais suffisant pour faire de lui un des espoirs du cinéma ibère. D’ailleurs, deux de ses films  – «Venez voir» et «Les exilés romantiques» (jamais sorti en France) – sortiront au printemps 2023 aux Etats-Unis. «Je crois qu’on vit maintenant un moment de cinéma très intéressant en Espagne avec beaucoup de diversité et de voix différentes», souligne-t-il à l’évocation des noms de Carla Simon (Ours d’Or 2022 à la Berlinale avec «Alcarràs») ou Rodrigo Sorogoyen. «Je suis très content de cette diversité et du dialogue qu’il y a entre nous. Un dialogue qui n’existait peut-être pas chez les générations précédentes mais qui s’est imposé à nous du fait que nous ayons grandi avec la crise de 2008».