Le Centre national du cinéma et de l’image animée lance une formation pour prévenir les violences sexuelles, à destination des employeurs du secteur

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Près d’un an après le séisme provoqué par les accusations de l’actrice Adèle Haenel visant le réalisateur Christophe Ruggia, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a lancé mardi une formation pour prévenir les violences sexuelles, à destination des employeurs du secteur. Novembre 2019: le cinéma français se fait rattrapper par la vague #MeToo née aux Etats-Unis deux ans plus tôt. Peu après les déclarations d’Adèle Haenel, qui affirme avoir été victime d’»attouchements» et de «harcèlement sexuel» de la part de M. Ruggia quand elle était âgée de 12 à 15 ans, de nouvelles accusations de viol portées par une photographe française s’ajoutent à celles visant le réalisateur franco-polonais Roman Polanski depuis une quarantaine d’années. Dans la foulée, l’ancien ministre de la Culture Franck Riester annonce une série de mesures pour lutter contre le harcèlement sexuel dans le cinéma, dont le conditionnement des aides du CNC au respect d’obligations qui restent alors à définir. La formation inaugurée onze mois plus tard au CNC fait ainsi «dorénavant» partie de ces obligations, après une «longue» concertation avec les filières du «cinéma, de l’audiovisuel et du jeu vidéo», a expliqué mardi le président du CNC, Dominique Boutonnat, devant une quarantaine de personnes. Prise en charge par le CNC et dispensée par l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), la formation se déclinera en 90 sessions à l’intention de 9.000 professionnels d’ici «trois ans», a ajouté M. Boutonnat. Elle s’adressera dans un premier temps aux producteurs, vendeurs internationaux et distributeurs, puis en 2022 aux exploitants et industries, selon le CNC. Il s’agira notamment de rappeler aux employeurs leurs «obligations légales» et de les aider à identifier «les facteurs de risques» propres au secteur. Dans une vidéo diffusée en début de session, trois techniciennes témoignent par exemple de la «proximité des corps» lors des tournages, qui peut faciliter les abus, ou encore des «rapports de domination» instaurés par des confrères masculins apportant leur «aide». Outre la formation, d’autres mesures sont imposées aux demandeurs d’aides, parmi lesquelles la «désignation d’un référent» sur le harcèlement sexuel «pour les entreprises de plus de 250 personnes», ou encore «l’élaboration d’une procédure interne de signalement». Mais rien n’est pour l’heure prévu à l’adresse des réalisateurs. Or, selon une technicienne de tournage, citée dans la vidéo: «c’est vraiment le réalisateur qui donne le la, ça va être la seule personne qui va être capable de mettre un stop sur le plateau puisqu’il le fait au sacrifice de son film». «Il faut absolument que cette formation soit étendue à 100% des gens qui travaillent dans le cinéma», y compris aux jeunes comédiennes ou comédiens, a estimé la productrice Pauline Seigland (Films Grand Huit), saluant une première session très instructive «notamment sur les recours juridiques». «C’est aussi en connaissant ses droits qu’on se défend le mieux», a fait valoir la jeune femme de 33 ans, membre du collectif 50/50 qui promeut l’égalité dans le cinéma et l’audiovisuel. Pour son confrère Antoine Liétout (Laïdak Films), 33 ans également, la sensibilisation des «garants du cadre légal d’un tournage» aux violences sexuelles a en tout cas le mérite de «faire progresser les choses», estime-t-il après ses 3h30 de formation, qui seront suivies de tests en ligne.