Le Conseil d’Etat a justifié mercredi la poursuite de la conservation des données de connexion de la population par les opérateurs téléphoniques pour les enquêtes relevant de la criminalité organisée et du terrorisme, en raison de «la menace existante pour la sécurité nationale». La plus haute juridiction administrative, saisie par plusieurs associations reprochant au gouvernement de ne pas se conformer à la jurisprudence européenne, a en revanche écarté la possibilité pour les enquêteurs d’y recourir pour la délinquance du quotidien. Le gouvernement français exhortait le Conseil d’Etat à s’opposer à des récents arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui restreignent la conservation des données de connexion. Il faisait valoir que «la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque Etat membre». Mais la juridiction considère que le «droit européen ne compromet pas les exigences de la Constitution française» et, en conséquence, juge «illégale la conservation des données pour les besoins autres que ceux de la sécurité nationale», excluant donc la lutte contre la délinquance du quotidien. Le gouvernement sera contraint de «réévaluer régulièrement la menace qui pèse sur le territoire pour justifier la conservation généralisée des données» et d’en subordonner «l’exploitation par les services de renseignement à l’autorisation d’une autorité indépendante». Il devra également abroger certains décrets et se mettre en conformité avec le droit européen, selon la juridiction. Enquêteurs, magistrats et services de renseignement s’alarment depuis plusieurs années de l’évolution de la jurisprudence européenne, qui menace de les priver de l’utilisation des «fadettes» (relevés des communications) dont ils se servent dans «quatre enquêtes judiciaires sur cinq», allant des violences conjugales ou des vols jusqu’au grand banditisme et au terrorisme.
En France, les sociétés de téléphonie doivent conserver les métadonnées des connexions internet et téléphoniques pendant un an, afin de pouvoir les mettre à disposition des services d’enquête sur demande d’un magistrat ou, en matière de renseignement, sur autorisation du Premier ministre. Ces données portent sur la localisation, la date, la durée, l’identité d’un appel ou d’un message, mais pas sur le contenu des échanges.Dans des arrêts du 6 octobre 2020, confirmant l’arrêt dit «Télé2» de 2016, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’admettait que de strictes dérogations à l’interdiction d’imposer la conservation des données, notamment en cas de menace pour la sécurité nationale.