Le patron de France Télévisions désavoué par l’Etat en pleine réforme

    Le président de France Télévisions Patrick de Carolis a été désavoué à deux reprises par les représentants du gouvernement alors que le groupe audiovisuel public, en baisse d’audience, a lancé une réforme qui inquiète en interne. Lors d’un conseil d’administration mardi, les cinq représentants de l’Etat se sont abstenus sur la nomination du directeur général de France 2 François Guilbeau, actuellement directeur général de RFO, qui va succéder à Philippe Baudillon. Le départ de M. Baudillon, lié à des «divergences» sur la mise en oeuvre de la réforme de France 2, avait été annoncé lundi par le groupe (France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO). Selon une source proche du gouvernement, les représentants de l’Etat n’ont pas validé cette nomination pour «marquer leur désaccord manifeste car ni l’Elysée, ni Matignon, ni Bercy, ni le ministère de la Culture n’ont été consultés». Il y a eu un «manque de concertation», a déploré cette source. La direction de France Télévisions a fait valoir de son côté qu’elle avait informé l’Etat «la semaine dernière», mais considère qu’elle n’avait «pas à attendre la validation des cabinets ministériels». «Patrick de Carolis fixe le cap stratégique avec l’Etat actionnaire, mais s’agissant de l’équipage, il prend ses responsabilités de chef d’entreprise», a expliqué la direction. Le remplacement à la tête de France 2 survient alors que la chaîne souffre d’une érosion de son audience, tombée à 17,8% de parts de marché en novembre. Le budget 2008 de France Télévisions, d’un montant de 2,9 milliards d’euros, a en revanche été adopté par la majorité du CA dont les représentants de l’Etat, a-t-elle ajouté. Quoiqu’il en soit, cette abstention de l’Etat intervient dans un contexte tendu, plus de deux ans après l’arrivé de M. de Carolis à la tête du groupe. Vendredi, la tutelle avait déjà refusé de valider une partie du budget de France 3 consacrée à la diffusion par satellite des programmes régionaux, soit 5,7 millions d’euros. Selon l’Etat cette somme est comprise dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) et ne nécessite pas de financement supplémentaire. M. Carolis sera donc contraint à des «mesures d’économies au sein de France 3 pour compenser ce manque à gagner», explique le groupe. Pour Jean-François Téaldi du SNJ-CGT, ce refus de l’Etat, «une première après la signature d’un COM, montre une volonté de la tutelle de déstabiliser la direction et, à travers elle, le service public». «A chaque fois qu’un président ne correspond pas aux souhaits du pouvoir on assiste au même scénario», a-t-il commenté. Le patron de France Télévisions dénonce depuis des mois le «sous-financement chronique» de son groupe. Mais il n’a obtenu ni hausse de la redevance, ni coupure publicitaire supplémentaire pour y remédier. Enjoint par le gouvernement de «moderniser» sa gestion, il a entrepris une réforme pour dégager «quelques dizaines de millions d’euros» d’économies. Cette réforme prévoit notamment la mutualisation des moyens techniques de production de l’information et la fusion de certaines unités et directions. Mais ce chantier suscite l’inquiétude au sein du groupe de 11 000 salariés. Cinq syndicats de France 2 ont voté un droit d’alerte pour dénoncer «l’absence d’informations et le refus de la direction de présenter un projet clair et global». Un droit d’alerte a également été déclenché à France 3, où les salariés craignent une «fermeture des éditions locales» selon le SNJ-CGT. Une assemblée générale des salariés de France 2 a rassemblé lundi «200 salariés, qui voient mal comment on va éviter un plan social sur l’ensemble du groupe», a ajouté le syndicat.