Vingt-cinq ans après avoir pris les rênes de TED, le célèbre forum d’idées, Chris Anderson a conservé la foi dans le dialogue et l’éducation permis par la technologie, malgré le dévoiement tragique des réseaux sociaux et de leur modèle économique qui capte l’attention. Lorsque Chris Anderson a pris la tête de cette série de conférences new-yorkaises, au tournant du siècle, l’essor d’internet s’accompagnait d’enthousiasme dans un avenir meilleur. Depuis, les «TED talks» se sont exportés dans le monde avec succès, quand dans le même temps Internet s’est aussi révélé le canal privilégié d’un maelström de désinformation et de profondes polarisations. Mais pour Chris Anderson, la technologie, en particulier l’IA, peut encore permettre à l’humanité de révéler le meilleur d’elle-même, dit-il, au moment de transmettre la direction de TED à Sal Khan, fondateur de la plateforme d’éducation en ligne Khan Academy. «Les discussions sur le champ des possibles, sur ce que nous pouvons bâtir ensemble, ont toujours été au coeur de TED» et «c’est sans doute ce dont le monde a le plus besoin aujourd’hui: un antidote à cette manie de s’envoyer des piques en permanence», souligne-t-il. Selon l’entrepreneur des médias britannique, les réseaux sociaux sont «le facteur numéro 1 de notre dysfonctionnement et du désamour pour la technologie». Chris Anderson incrimine leurs modèles économiques, fondés sur la publicité qui conditionne les profits à la maximisation du temps passé sur les plateformes, quel que soit le caractère perturbant ou malsain du contenu qui capte l’attention. «Ces algorithmes ont découvert que la meilleure façon de garder les gens enfermés là-dedans, c’est de leur faire voir le monde comme effrayant et autrui comme une menace», déplore-t-il. Pour autant, Chris Anderson, à 68 ans, se définit comme un optimiste, convaincu que le meilleur est possible. Il faut remonter à 1984 pour voir la naissance à Monterey, en Californie, de la 1ère conférence «Technology, Education and Design» (TED). En 2001, quand la fondation Sapling de Chris Anderson en a pris le contrôle, ces conférences annuelles attiraient un public confidentiel d’environ 500 personnes. Depuis, la liste des conférenciers n’a cessé de s’étoffer avec des scientifiques réputés, des célébrités d’Hollywood, des artistes influents ou des fondateurs de géants de la tech comme Amazon, Microsoft, Google ou Netflix. «J’ai eu l’impression de me retrouver en famille dans ce groupe extraordinaire de visionnaires confiants dans l’avenir», se souvient-il. Le journaliste devenu fondateur de revues à succès a fait le pari de publier gratuitement les conférences en ligne. «Ça aurait très bien pu couler les conférences et dissuader les gens de payer pour venir», raconte-t-il. Mais à l’inverse, les «TED Talks» se sont répandus à travers le monde et les gens se sont pressés pour y assister. «C’est vraiment exaltant de voir que TED n’avait pas vocation à se limiter à un cercle de 500 personnes mais pouvait servir à des millions de gens», se réjouit le Britannique. TED produit désormais des podcasts, des vidéos courtes, des cours en dessins animés (TED-Ed) et des programmes TV traduits en plus de 100 langues. Anderson a aussi été le fer de lance du programme TEDx, qui permet à des organisateurs locaux de décliner le concept chez eux, et a ouvert la porte à de jeunes innovateurs en leur octroyant des bourses. Le projet «TED Audacious» a ainsi mobilisé plus de 3 milliards de dollars pour financer des initiatives en faveur d’un monde plus durable, plus juste ou plus beau, selon l’organisation. Sal Khan, selon lui, est le successeur idéal pour poursuivre le développement de la plateforme d’enseignement en ligne et adapter la mission de TED à l’ère de l’IA. «On peut penser que l’IA bien employée est capable d’aider les gens à donner le meilleur d’eux-même», défend l’entrepreneur, «là où les médias sociaux poussent souvent les gens vers le pire».



































