Lucky Luke revu par Blutch dans «Les Indomptés»

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Lucky Luke revu par Blutch, qui reprend ce personnage mythique de cow-boy, est un «fantasme de gosse» pour le grand nom de la bande dessinée. «Les Indomptés» est publié vendredi par les éditions Lucky Comics, et désigné sur sa couverture comme «un hommage à Lucky Luke d’après Morris». Le Belge avait créé le cow-boy solitaire en 1946, et l’a dessiné jusqu’à sa mort en 2001. Il l’a légué à Achdé, qui a signé jusqu’ici 11 albums. Puis, à partir de 2016, cette fine gâchette a été reprise par quatre autres dessinateurs, Matthieu Bonhomme (deux albums), Guillaume Bouzard, Ralph König et Mawil (un album chacun). Blutch est donc le septième. «J’ai comblé un fantasme de gosse. C’est l’album que je rêvais d’avoir quand j’étais enfant», explique-t-il. Blutch (Christian Hincker à l’état civil) a obtenu le Grand Prix du festival d’Angoulême en 2009 pour l’ensemble de son oeuvre, qui couvre des styles et genres variés, y compris le roman graphique. Dans cet épisode, sans Dalton ni Rantanplan, Lucky Luke affronte une famille de brigands: les parents, leur aîné qui file un mauvais coton, le cadet qui a tout le temps faim, et la benjamine au caractère très trempé. À la dernière page, l’auteur offre la clé en dédicaçant l’album: «Pour mes enfants, Lino, Lucas et Juliette». «Je ne suis pas allé chercher bien loin l’inspiration! J’ai les mêmes phénomènes chez moi. C’est aussi un hommage que je leur rends», révèle Blutch. Mais pas qu’à eux. L’autre hommage rendu dans cet album, que les fans jugeront plus ou moins réussi, est celui à René Goscinny, scénariste d’une quarantaine d’albums de Lucky Luke. «Il a été pour moi le guide dans cette reprise», dit le dessinateur, qui avait «un album particulièrement en ligne de mire», à savoir «L’Empereur Smith» (1976): un mégalomane s’y prend pour le Napoléon des plaines, et nombreux sont ceux qui le laissent faire. «Chez Goscinny, souvent, les citoyens des petites villes ne méritent pas Lucky Luke. Il se donne beaucoup de mal, et eux, les bourgeois surtout, se révèlent ingrats. Dans cet album-là, on retrouve toute leur veulerie», d’après Blutch. Dans «Les Indomptés», Lucky Luke ne cesse d’avoir affaire à des personnages incompétents, comme un shérif désastreux, ou d’autres adultes lassés encore plus vite que lui d’une fratrie incontrôlable. Et pourtant, quelque chose l’empêche de la laisser tomber… Il y avait des enfants au Far West, bien entendu, mais on en voit peu chez Lucky Luke. Dans «7 histoires de Lucky Luke» en 1974, «Le Desperado à la dent de lait» en met un en scène. «Lucky Luke, très vite, quand il est confronté à ce gosse qu’il est censé protéger, voit les limites de sa patience. C’est fugace. Dans toute la production énorme de Morris, il y a peu d’enfants. Billy the Kid est plutôt un ado», fait remarquer Blutch. L’enfant, c’est aussi le jeune Christian «inconsolable en 1977 quand Goscinny est mort», alors qu’il avait à peine 10 ans. «J’ai dû dessiner Lucky Luke pour la 1ère fois dès l’âge de 4 ou 5 ans. Donc je peux dire que je le dessine depuis une cinquantaine d’années», dit l’adulte, un demi-siècle plus tard. «Ça faisait longtemps qu’il mûrissait en moi. Qu’il était en embuscade, qu’il ne demandait qu’à surgir».