Madrid va renforcer le contrôle des services de renseignement

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Fragilisé par un retentissant scandale d’espionnage, le gouvernement espagnol a annoncé une réforme des services de renseignement afin de «renforcer le contrôle judiciaire» des écoutes comme celles ayant visé les indépendantistes catalans, soutiens clés de l’exécutif. «Il s’agit de renforcer les garanties de ce contrôle, mais aussi d’assurer le respect maximal des droits individuels et politiques des personnes», a déclaré le chef du gouvernement de gauche, Pedro Sánchez, devant la Chambre des députés. Cette annonce intervient alors qu’un scandale agite l’Espagne depuis la publication mi-avril d’un rapport de l’organisation canadienne Citizen Lab assurant avoir identifié 60 personnes de la mouvance séparatiste catalane dont les portables auraient été piratés entre 2017 et 2020 au moyen du logiciel Pegasus. Ces révélations avaient conduit les indépendantistes catalans à menacer de retirer leur soutien au gouvernement minoritaire de M. Sánchez avec le risque de provoquer sa chute avant le terme de la législature, prévu fin 2023. L’affaire a pris ensuite une autre dimension lorsque le gouvernement a dévoilé début mai que M. Sánchez et sa ministre de la Défense, Margarita Robles, avaient eux-mêmes été espionnés par le logiciel Pegasus, conçu par la société israélienne NSO. Selon l’exécutif, le piratage des portables de membres du gouvernement, dont a aussi été victime le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, est le fruit d’une «attaque extérieure» par un acteur non identifié. Plusieurs médias espagnols ont toutefois évoqué une possible implication du Maroc, avec qui Madrid vient de clore une crise diplomatique de près d’un an. Affaibli par ce scandale, l’exécutif avait annoncé le 10 mai l’éviction de Paz Esteban, 1ère femme à avoir été nommée à la tête du Centre national du renseignement (CNI). Mais les indépendantistes catalans avaient jugé que ce limogeage n’était «pas suffisant» et réclamé des «explications convaincantes» pour savoir «qui était au courant» de ces écoutes. «Pourquoi vous venez ici promettre un contrôle judiciaire renforcé du CNI quand la personne contrôlant le CNI est le chef du gouvernement, donc vous ? Vous ne pouvez pas blanchir votre gouvernement de tout ce qui s’est passé», a lancé jeudi dernier au Parlement Gabriel Rufian, responsable du parti séparatiste catalan ERC. Convoqué jeudi 26 mai devant les parlementaires, Pedro Sánchez a promis, sans donner de détails, une 1ère réforme destinée à «renforcer le contrôle judiciaire du CNI» dont les écoutes doivent déjà être autorisées par un juge du Tribunal suprême. Le Premier ministre espagnol a également annoncé l’adoption prochaine d’une nouvelle loi relative aux «informations classifiées», de façon à adapter l’actuelle législation – qui date de 1968, soit du temps de la dictature franquiste – «aux principes démocratiques et constitutionnels». Et M. Sánchez a par ailleurs insisté sur la nécessaire «augmentation des capacités des services de renseignement espagnols», notamment «face aux attaques des services de renseignement hostiles». Toutes ces initiatives permettront «d’éviter que ces brèches de sécurité ne se reproduisent dans l’avenir», a-t-il affirmé. Face aux députés, le chef du gouvernement a de nouveau défendu le CNI en affirmant qu’il avait «toujours agi dans la légalité». Il a confirmé que 18 indépendantistes catalans avaient effectivement été mis sur écoute par le CNI mais dans des moments «durs» et «difficiles» liés à la crise en Catalogne (nord-est) qui a été en octobre 2017 le théâtre d’une tentative de sécession. Les séparatistes avaient alors organisé un référendum d’autodétermination malgré son interdiction par la justice et déclaré unilatéralement l’indépendance de la région. Les autres indépendantistes espionnés selon le rapport de Citizen Lab, «l’ont été par des acteurs inconnus, étrangers à l’administration espagnole», a affirmé M. Sánchez.