Nelly Kaplan, réalisatrice franco-argentine et icône de la Nouvelle vague

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Icône de la Nouvelle vague, la réalisatrice franco-argentine Nelly Kaplan est entrée brillamment en 1969 dans le cinéma de fiction avec «La fiancée du pirate», sorti dans le scandale et devenu un film culte.Ayant le goût des sciences occultes, de la révolte et de l’érotisme, elle fera une belle carrière avec des livres et d’autres films influencés par le surréalisme. Mais elle ne fera jamais oublier Bernadette Lafont, sex-symbol de sous-préfecture se vengeant des humiliations subies en séduisant les notables d’un village, sur l’air de Barbara, «Je me balance…». Nelly Kaplan est née à Buenos Aires (Argentine) le 11 avril 1931. Elle aura un passeport français en 1975. Ses arrière-grands-parents, juifs d’Odessa et de Kiev, s’étaient installés en Argentine, fuyant les pogroms. Le père est biochimiste, la mère chanteuse soprano. Face à cette enfant turbulente, sa mère «la colle au «ColiseoPalermo», un grand cinéma de la ville où, toute la journée», elle regarde des films, fascinée. «Je voulais fuir cette société sud-américaine où être une fille équivalait à «Sois gentille et tais-toi»», disait-elle avec un accent plein de charme.   Ses parents la laissent partir trois mois en France. Elle y passera sa vie. Elle embarque seule sur le «Claude-Bernard», arrive en 1953 au Havre, loue une chambre à Paris, rue de Seine, fréquente les cinés-clubs. Sa vie bascule grâce à plusieurs «belles rencontres», comme elle l’a dit, avec autant d’hommes remarquables. Un jour de 1954, le cinéaste Abel Gance la repère à la Cinémathèque française. Il lui parle et n’en revient pas: une si jeune étrangère, maîtrisant encore mal le français, qui avait vu ses films ! Ils vivront, malgré leur différence d’âge, une relation professionnelle et amoureuse passionnée. Peu après, le poète surréaliste Philippe Soupault l’aborde lors d’un vernissage. Lui aussi est épaté : elle a lu son recueil, «Les Champs magnétiques». Il l’incitera plus tard à écrire en français. André Breton, principal animateur du surréalisme, sera aussi l’ami de toute une vie. Il sera en 1961 la voix d’un film de la jeune femme sur le peintre Gustave Moreau. Un autre surréaliste, André Pieyre de Mandiargues, ainsi que Picasso (elle fera un film sur lui, Lion d’Or 67 à Venise) seront aussi des proches. Elle échangea avec presque tous de riches correspondances, celles avec Gance et Mandiargues ayant été publiées en 2008 et 2009. Beauté singulière à la silhouette élancée et au regard malicieux, Nelly Kaplan ne devait jamais se marier: «j’ai toujours été très libre. Je ne me suis jamais accrochée à un homme et c’est sans doute ce qui devait les intriguer».  A la fin des années 50, elle est première assistante d’Abel Gance qui tourne «Austerlitz». En 1963, elle travaille à nouveau auprès de lui sur «Cyrano et d’Artagnan». En 1965, elle publie un livre «A la Source, la femme aimée», sur des dessins érotiques d’André Masson, son premier livre censuré. Elle affrontera à nouveau la censure en 1974, avec son roman «Mémoires d’une liseuse de draps», écrit sous pseudonyme et édité par Jean-Jacques Pauvert. Puis c’est l’aventure de «La fiancée du pirate». «23 producteurs l’ont refusé alors que nous avions l’avance sur recettes !», s’indignait-elle. Il est toutefois sélectionné à la Mostra de Venise. Le 3 septembre 1969, il reçoit une standing ovation de dix minutes: le film, interdit aux moins de 18 ans à sa sortie, est lancé.Une certaine France est choquée, les féministes aussi, ne pouvant supporter la liberté de cette «sorcière» moderne, assumant son goût pour le plaisir, l’argent et la provocation. Parmi ses autres longs-métrages, figurent «Néa» (avec Sami Frey) ou «Plaisir d’amour» (avec Pierre Arditi), des films légers, hymnes à la vie gentiment licencieux. Elle était aussi l’auteur de nombreux scénarios pour la télé (dont «Les mouettes» en 1991), co-écrits avec son vieux complice Jean Chapot.