Deux Français, Jacques Audiard et Coralie Fargeat, en lice pour l’Oscar du meilleur réalisateur, un record historique de nominations pour «Emilia Perez» : cette année à nouveau, la France est à l’honneur à Hollywood, avec des films métissés qui ont su sortir des frontières de l’Hexagone. Un an après le parcours de Justine Triet et son film «Anatomie d’une chute», sélectionné dans 5 catégories mais qui a dû se contenter de l’Oscar du meilleur scénario, la «French touch» a encore davantage séduit les votants de l’Académie des Oscars. Jacques Audiard, 72 ans, s’offre même le luxe de marquer l’histoire de la cérémonie avec un record, pour un film non anglophone, de 13 nominations. Au Festival de Cannes, «Emilia Perez» avait déjà fait sensation et remporté le prix d’interprétation féminine et le prix du jury. Ce record «témoigne une fois de plus du génie du cinéma français», s’est félicitée la ministre de la Culture, Rachida Dati. «Ce film (…) illustre l’audace de nos créateurs et la diversité des récits que nous portons sur la scène internationale». «Emilia Perez», odyssée musicale sur la transition de genre, est une oeuvre cosmopolite : une production française, pour laquelle des décors rappelant le Mexique ont été construits dans des studios de banlieue parisienne, mais tournée et chantée en espagnol, avec les stars américaines Zoe Saldaña et Selena Gomez. Et distribué à l’étranger par Netflix. «J’ai connu les Oscars il y a longtemps, au moment de «Un Prophète»», nommé il y a 15 ans dans la catégorie meilleur film étranger, a rappelé Jacques Audiard juste après sa nomination. «Mais ce n’était pas la même pression». Là, avec la double nomination comme meilleur réalisateur et meilleur film, «c’est une campagne très solide qu’il faut mener». Dans la catégorie de meilleur réalisateur, Audiard côtoie une compatriote, Coralie Fargeat («The Substance»). «Il y a un phénomène assez curieux de films français comme le mien et celui de Coralie qui se retrouvent dans la compétition», relève Audiard. «C’est un cinéma métissé. Je me demande si ce n’est pas une tendance, ce désir de faire des films avec des éléments linguistiques différents, des acteurs et des objets particuliers», a-t-il souligné. Unique femme nommée cette année à l’Oscar du meilleur réalisateur, Coralie Fargeat, qui a fait ses classes dans deux prestigieuses écoles françaises, Sciences-Po et à la Fémis (pour le cinéma), est de son côté sélectionnée pour une oeuvre au parfum terriblement américain, qui signe le come-back inattendu de Demi Moore. En langue anglaise, l’histoire, ancrée dans l’imaginaire hollywoodien, a pourtant été tournée sur la Côte d’Azur. Touche française ou pas, «honnêtement, je ne me pose pas la question. C’est comme sur les genres. Je fais des films, je suis à ma place», a expliqué la réalisatrice de ce film d’horreur, après l’annonce de ses nominations. L’an dernier, «Anatomie d’une chute» était déjà bien plus qu’un film français : son actrice principale, Sandra Hüller, y parlait allemand, sa langue maternelle, anglais et français. Plus largement, la love story entre les Français et les Oscars, plutôt portés sur les productions américaines, n’est pas nouvelle, de «The Artist» de Michel Hazanavicius (meilleur film en 2012 et meilleur acteur pour Jean Dujardin) aux performances de Marion Cotillard (meilleure actrice en 2008 pour «La Môme») ou Juliette Binoche (meilleur second rôle féminin en 1997 pour «Le Patient anglais»). Ces nominations sont aussi une bonne nouvelle pour la commission de professionnels réunie par le CNC pour soumettre aux Oscars un film français dans la catégorie du meilleur film étranger. Celle-ci a été profondément renouvelée après le fiasco de l’an dernier, où elle avait snobé «Anatomie d’une chute» au profit d’un film sur la gastronomie française avec Benoît Magimel et Juliette Binoche («La Passion de Dodin Bouffant» de Tran Anh Hung), qui n’a ensuite même pas été retenu par l’Académie des Oscars.