P. BAILLY (NPA Conseil) : «Avec la pandémie, les chaînes doivent maintenir une programmation de qualité dans la durée»

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Dans un contexte délicat lié à la pandémie de Covid-19, les chaînes de télévision se réorganisent : transformation des grilles, gestion des stocks, déprogrammations. A cela s’ajoute une actualité média riche avec notamment le report du lancement de Disney+ le 7 avril prochain, à la demande du gouvernement français sous la pression des FAI. Afin de discuter de tous ces sujets, média+ s’est entretenu avec Philippe BAILLY, Président de NPA Conseil.

MEDIA +

Face à la pandémie actuelle, les chaînes s’adaptent…

PHILIPPE BAILLY

Oui et les médias réagissent plutôt bien. Non seulement les chaînes de TV ne se laissent pas abattre, mais les titres de presse ainsi que les radios sont force de proposition. L’ensemble de l’écosystème répond à une mission d’information et de divertissement. Le confinement induit aussi une consommation média qui augmente significativement. S’agissant de la TV, on enregistre +1h d’écoute quotidienne supplémentaire par rapport à l’an dernier. Pour que chaque Français s’y retrouve, les groupes audiovisuels français sont capables d’ajuster leurs promesses et d’adapter leurs canaux. En cette période délicate, la télévision en live retrouve toute sa dimension.

MEDIA +

En parallèle, les chaînes tentent de gérer leur stock …

PHILIPPE BAILLY

Absolument ! Les chaînes sont très prudentes. Face à la suspension de très nombreux tournages, personne ne sait aujourd’hui combien de temps cela va durer. Les diffuseurs doivent être capables de maintenir une programmation de qualité dans la durée. Deuxièmement, un certain nombre de grosses cartouches ne peuvent plus être proposées. Les phases finales de «The Voice» par exemple, tournées habituellement en direct et en public, ne peuvent pas se faire à huit clos. Troisièmement, les grilles s’adaptent en accordant plus de place à l’information et aux programmes éducatifs. C’est ce qui se passe avec la déprogrammation du feuilleton «Demain nous appartient» sur TF1 au profit d’une version quotidienne de «Sept à huit». Transformation également de France 4 en chaîne plus éducative et tournée vers l’accompagnement scolaire. Ces modifications de grilles vont durer bien plus que 15 jours.

MEDIA +

Disney+ repousse son lancement au 7 avril. La plateforme débarque-t-elle dans un contexte tout de même bénéfique ?

PHILIPPE BAILLY

Bénéfique en termes de concentration de téléspectateurs chez eux. La curiosité sera indiscutable. Mais la question est de savoir si Disney+ transformera cette curiosité en décision d’abonnement, dans une période où les familles sont un peu angoissées.

MEDIA +

Pourtant, le prix d’abonnement à 6,99€/mois reste accessible …

PHILIPPE BAILLY

Oui, c’est extrêmement attractif, et d’autant plus avec la force des franchises Disney. CANAL+ distribuera le service auprès de ses abonnés et pourra élargir sa distribution via des accords avec d’autres opérateurs tels que les FAI. Par ailleurs, CANAL+ intégrera largement Disney+ au sein de ses offres pour ses nouveaux abonnés.

MEDIA +

Disney+ va-t-elle rebattre les cartes du marché de la SVOD en France ?

PHILIPPE BAILLY

Les cartes ne seront pas rebattues en 3 mois. Une fois la situation du coronavirus évacuée, nous sommes partis pour une course de fond. Des services comme Salto, HBO Max ou Peacock ne sont pas encore arrivés en France. Si on observe la situation actuelle avec AppleTV+ qui a démarré avec un catalogue hyper limité en se contentant d’une poignée d’Originals, on voit que ça ne prend pas autant que prévu.

MEDIA +

Dans cette course à la SVOD, y’aura-t-il des morts ?

PHILIPPE BAILLY

Oui, bien sûr !

MEDIA +

Quel est le portrait-robot du consommateur français de SVOD ?

PHILIPPE BAILLY

Il est plutôt actif et davantage féminin que masculin dans la consommation et l’envie d’abonnement. L’Île-de-France est sous-représentée par rapport à la moyenne des abonnés français. En revanche, la consommation est sur-représentée dans les familles avec enfants de moins de 15 ans. La SVOD, c’est une manière de regarder des programmes dans un environnement sécurisé. C’est aussi un phénomène transgénérationnel et pas seulement concentré sur les Millennials. Dans une offre comme Salto, compte tenu de l’ADN des groupes actionnaires, le service ne sera pas forcément centré sur les 15-24 ans, mais davantage sur un public mûr. Ça tombe bien, car ces consommateurs s’intéressent de plus en plus à la SVOD.

MEDIA +

Selon votre étude, 44% de Français sont déjà abonnés à au moins un service de SVoD ?

PHILIPPE BAILLY

Exactement ! Près d’un Français sur trois (32,1%) est aujourd’hui abonné à un service unique, 9,1% à deux offres, et 3% à trois services ou plus. La combinaison Netflix/Amazon est à ce stade la plus prisée. Plus de 60% des abonnés à CANAL+ ont déjà adopté un service de SVOD au moins.