Pandémie : les médias du Royaume Uni craignent une nouvelle hécatombe de sa foisonnante presse écrite

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Très affaiblis par la crise découlant de la pandémie de nouveau coronavirus, les médias du Royaume-Uni craignent une nouvelle hécatombe au sein de sa foisonnante presse écrite locale, certains appelant l’Etat à ponctionner les géants du numérique pour les aider.Les institutions bien établies, comme la BBC, ont vu leur audience exploser devant la quête d’une information fiable face aux nombreuses fausses informations circulant depuis le début de la crise sanitaire. Mais il s’agit en réalité «d’une bien faible lueur d’espoir au sein d’un horrible nuage noir», selon le directeur de la Société des rédacteurs en chef, Ian Murray. La réalité est tout autre pour la plupart des médias: la crise risque d’en achever beaucoup, déjà mal en point depuis des années, surtout au sein de la foisonnante presse locale britannique. Entre 2005 et 2018, 250 titres locaux avaient ainsi déjà fermé leurs portes. Et depuis le début de la crise actuelle, plus de 2.000 personnes, principalement du personnel non rédactionnel, ont été licenciées dans 500 titres différents, a affirmé Press Gazett, un magazine spécialisé sur la profession. En cause? La chute des ventes physiques due au confinement et un marché publicitaire en berne. Selon le cabinet d’études sur les médias Enders Analysis, les tirages pourraient être réduits de moitié cette année, et les revenus publicitaires de presque un tiers, ce qui représente 330 millions de livres (372 millions d’euros). Certaines entreprises prévoient des pertes de revenus de l’ordre de plusieurs millions de livres et ont d’ores et déjà réduit les salaires, demandant parfois à leur personnel de travailler moins d’heures ou de prendre des congés sans solde. D’autres ont annoncé des fusions ou averti qu’elles pourraient fermer complètement. Selon des analystes du secteur, jusqu’à 5.000 emplois sont menacés. Le ministre de la Culture Olivier Dowden a évalué les pertes subies par le secteur à 50 millions de livres (57 millions d’euros) pendant la pandémie, d’autant plus que certains grands titres ont ouvert en accès libre tous les contenus liés au Covid-19. La crise ne s’arrêtera pas avec la fin du confinement, selon l’ancien rédacteur en chef du «Daily Mirror» Roy Greenslade. La période qui suivra l’épidémie «marquera probablement la dernière étape du long déclin du journal papier», prédit celui qui est désormais chroniqueur médias au «Guardian». Sans une aide «immédiate» du gouvernement, de nombreux titres seront contraints de fermés, estime James Mitchinson, rédacteur en chef du «Yorshire Post», journal local implanté dans le nord de l’Angleterre. «Les mesures que nous avons prises pour réduire les coûts ne compensent pas la réduction de nos recettes publicitaires», a-t-il récemment déclaré dans le «Sunday Times». Selon lui, la presse a besoin de «subventions» et d’un changement dans les règles du système d’indemnisation mis en place par le gouvernement britannique depuis le début de la pandémie de coronavirus. L’objectif serait de permettre aux «travailleurs clefs» que constituent les journalistes de «travailler, et non plus de déposer les armes», quand leurs rédactions ne sont plus en mesure de les rémunérer. Afin de réunir les fonds nécessaires pour soutenir les médias sur le long terme, le Syndicat national des journalistes (NUJ) appelle le gouvernement à augmenter le montant d’une nouvelle taxe sur les géants du numérique, entrée en vigueur au 1er avril. Cette taxe d’un montant de 2% devrait ramener à terme «500 millions de livres par an» (570 millions d’euros), rappelle le secrétaire général adjoint de la NUJ, Seamus Dooley. Selon lui, «tripler» ce pourcentage permettrait de réaliser «une injection immédiate considérable» dans un secteur qui voit ses revenus pub régulièrement phagocytés par les géants du numérique.