Portables à l’ancienne : un retour en arrière qui attire

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Jose Briones a remplacé son smartphone par un téléphone portable basique, sans internet ni applications, et cet Américain de 27 ans assure que cela a changé sa vie. En bien. Quand il veut jouer de la musique, cet habitant du Colorado (ouest des Etats-Unis) met un CD. Quand il va quelque part, il imprime l’itinéraire à suivre avant de partir, ou demande son chemin à des passants. Et il n’est pas le seul: ce retour en arrière attire «ceux qui veulent retrouver du temps et redonner plus de sens à leur vie», estime-t-il. Il participe à la modération d’un forum du site Reddit, qui compte quelque 17.000 adeptes des portables à l’ancienne, avec de petits écrans et très peu d’applications, voire aucune.Cinquante ans après le premier appel effectué grâce à un téléphone mobile (le 3 avril 1973), ces appareils utilitaires rappellent l’époque d’avant le smartphone, au tournant du siècle, quand les portables ne servaient qu’à appeler quelqu’un ou à envoyer des textos. Melanin_King0, membre du forum, se sent mieux après avoir sauté le pas il y a trois semaines. «Quand j’étais tout le temps sur mon smartphone, j’avais l’impression que mon esprit était embrumé», a raconté cet internaute sur Reddit. «Je n’arrivais à rien faire d’autre. Je faisais défiler les vidéos sur Instagram et TikTok et ça sapait ma motivation». Avoir un smartphone sur soi en permanence crée une «ambiance anxiogène» et des relations plus superficielles avec ses amis et sa famille, avance un autre membre. Selon Jose Briones, qui a 27 ans, les portables de base séduisent aussi des jeunes qui les trouvent cool ou rétro. Sur le forum, certains avouent garder quelques applications pratiques, comme leur email, Spotify, Google Maps ou Microsoft Teams, mais «très peu disent vouloir TikTok, Instagram et Facebook», commente-t-il. Nombre de convertis conservent cependant leurs smartphones pour travailler. Jose Briones transfère sa carte SIM dans un iPhone ou une tablette quand il a beaucoup de visioconférences et lorsqu’il est en déplacement, mais autrement, il dit se servir de son téléphone basique 80% du temps. «Dans mon travail avec des ONG, j’ai beaucoup d’emails, de rappels, de notifications…», explique-t-il. «C’est épuisant. Il ne faut pas que ça envahisse la vie privée». Le marché est restreint, mais plusieurs entreprises ont lancé des mobiles dits «minimalistes», qui permettent de passer des appels, d’envoyer des messages et éventuellement d’installer une ou deux applis. Le fabricant du «Light Phone», une entreprise de Brooklyn, promet ainsi sur son site web de ne jamais avoir de réseaux sociaux, de navigateurs internet ou de «fil infini vecteur d’angoisse» sur leurs appareils. Ils peuvent néanmoins servir de point d’accès à internet, et proposent en option d’ajouter une application de musique ou de cartographie. Light et Punkt ont vu leurs ventes progresser, d’après CNBC. «Il est temps de mettre des limites et de créer une relation plus saine avec la technologie», a déclaré Petter Neby, fondateur et patron de Punkt, cité dans un article de la chaîne américaine. Les ventes de téléphones basiques ont très légèrement progressé l’année dernière aux Etats-Unis, mais elles restent faibles et en baisse à l’échelle mondiale, d’après le cabinet d’études IDC, car le prix des smartphones baisse dans les pays en développement. Certaines personnes «disent qu’être tout le temps connecté affecte leur santé mentale», note Nabila Popal, directrice de recherche d’IDC. «Mais ce récent regain d’intérêt pour les portables à l’ancienne ne va pas inverser la tendance de fond, qui est celle de leur déclin». Les mobiles de base restent «en voie de disparition», abonde Carolina Milanesi du cabinet Creative Strategies.