Procès France Télécom : début des plaidoiries ce mardi

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Les avocats des parties civiles ont commencé à plaider mardi au procès France Télécom, décrivant un «harcèlement moral institutionnel chimiquement pur», marqué par «un management par la terreur qui s’est propagé aux quatre coins de la France».

«Comment expliquer que les mêmes souffrances soient éprouvées de Quimper à Besançon?», a interrogé l’avocate Juliette Mendès-Ribeiro, qui défend la compagne du salarié Camille Bodivit, qui s’est suicidé dans le Finistère en juillet 2009. «On ne peut l’expliquer que parce que cela vient d’en haut. (…) On se fond dans un modèle managérial pensé par la direction», affirme l’avocate. «Le management par la terreur s’est propagé aux quatre coins de la France».

L’entreprise France Télécom, devenue Orange en 2013, est jugée à Paris depuis le 6 mai, avec ses anciens dirigeants, pour «harcèlement moral». Alors qu’ils voulaient faire partir des milliers de salariés, ils sont soupçonnés d’avoir mis en place une politique de déstabilisation des employés.

Les juges d’instruction ont retenu les cas de 39 salariés, dont 19 se sont suicidés. Environ 120 autres personnes se sont constituées partie civile depuis le début du procès. «Quel souci a-t-on eu de l’humain dans cette politique axée sur le cash flow?», a interrogé Me Mendès-Ribeiro. «Toutes ces personnes aimaient profondément» leur entreprise, a déclaré Eric Cesbron, avocat de proches de Dominique Mennechez, qui s’est suicidé en février 2010. «Longtemps, elles étaient considérées comme d’excellents employés. Puis elles ont pris conscience qu’elles ne représentaient rien pour leur entreprise».

«Les conditions de travail de Dominique Mennechez se sont dégradées au point qu’il a préféré mettre fin à ses jours», affirme l’avocat. Cet homme avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide. «France Télécom connaissait parfaitement les faiblesses de Dominique Mennechez. (…) Et c’est justement pour cela qu’il a été la cible privilégiée de son supérieur hiérarchique», accuse l’avocat.

Depuis le début du procès, les prévenus mettent en avant le contexte économique des années 2000: l’entreprise «surendettée» risquait de disparaître, selon eux, face à une concurrence agressive.

«C’était, nous dit-on, une guerre de la concurrence. C’est pratique: ça autorise les dégâts collatéraux», a plaidé Antoine Labonnelie, un autre avocat de partie civile. «La nécessité de changement est indéniable», admet son confrère Michel Ledoux. «Mais le sujet du procès, c’est l’accompagnement managérial du changement. Le reste est hors sujet». Il qualifie les cellules d’écoute mises en place par la direction de «foutaise», d’«espèce de psychopapouille».

A France Télécom, «on a eu un harcèlement moral chimiquement pur», affirme l’avocat. Pour lui, le procès doit envoyer un message aux entreprises: «Les projets d’aujourd’hui sont les conditions de travail de demain». Les plaidoiries des parties civiles se poursuivent mercredi et jeudi. Vendredi, les procureures prendront leurs réquisitions.