René Chateau, personnage incontournable dans le monde du 7ème art

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Grand amoureux et fin connaisseur du cinéma, longtemps inséparable de Jean-Paul Belmondo, René Chateau, dont le décès à 84 ans la semaine dernière a été annoncé mercredi, a bâti un empire dans la cassette vidéo puis le DVD, où il a imposé sa griffe. Peu connu du grand public, cet homme d’affaires secret et controversé était un personnage incontournable dans le monde du 7e art, devenu le plus grand distributeur indépendant de films hexagonaux au prix de solides inimitiés dans le milieu. Ce touche-à-tout aux yeux bleu acier et à la gouaille de Titi parisien, compagnon dans les années 80 de l’ancienne star du porno Brigitte Lahaie, avait aussi fait découvrir en France Bruce Lee et les films d’horreur. Admirateur de James Dean, l’inventeur du logo à la panthère noire avait transformé son hôtel particulier de quatre étages à Paris en temple dédié au cinéma: une salle de projection, des milliers d’affiches de films, autant de VHS et de DVD classés par ordre alphabétique. «J’ai fait de ma passion mon métier», résumait-il en 2014 à Vanity Fair. Né le 3 juillet 1939 au Mans, René Chateau grandit, après le divorce de ses parents, au Pré-Saint-Gervais, aux portes de Paris, avec une mère sans le sou. A 14 ans, il devient apprenti carreleur et s’évade dès qu’il peut au cinéma. Au début des années 60, il finit par décrocher un boulot au magazine «Lui». Il y fera ses premières rencontres avec le monde du cinéma en interviewant Jean-Paul Belmondo et Alain Delon. Le baroudeur réussit son premier «coup» en 1967. Il convainc Serge Gainsbourg de composer la chanson «Bonnie and Clyde», fredonnée avec Brigitte Bardot. Énorme succès. La même année, il entame sa collaboration avec Belmondo, alors l’un des acteurs les mieux payés au monde. «Ca a tout de suite collé entre nous», disait Chateau. Il devient l’attaché de presse de Bebel, son publicitaire, son bras droit et même son associé dans la société de production du comédien. Le tandem accumule les succès et leur relation exceptionnellement forte dure 17 ans. Jusqu’à la rupture, brutale et totale, en 1984, sur un différend. Belmondo le raye de sa vie. Parallèlement, René Chateau fonde à Paris le cinéma Le Hollywood Boulevard. Il impose comme une star Bruce Lee, l’acteur spécialiste des arts martiaux, encore peu connu en France. Il se lance dans la restauration du patrimoine hexagonal avec sa collection vidéo «La Mémoire du cinéma français», qui court depuis les années 30. Vrai homme d’affaires, il crée sa propre société d’édition vidéo qui lui permet de faire découvrir au public les films d’horreur, alors interdits en salles et à la télévision, dont «Massacre à la tronçonneuse». Carton plein. Il rachète aussi les actifs de 20 sociétés de production et se retrouve à la tête d’un catalogue de droits audiovisuels dans le monde entier de plus de 1.000 films. Cinéphile averti, il publie en 1995 un ouvrage, qui fait référence, sur «Le Cinéma français sous l’Occupation» ainsi qu’un livre «Audiard par Audiard» réunissant les meilleurs dialogues, textes et interviews du réalisateur. Malgré cette réussite flamboyante, l’homme ne s’est jamais remis de l’année 1984, marquée par la fin de sa relation avec Belmondo et l’assassinat du puissant patron de l’agence des stars Artmedia, Gérard Lebovici. René Chateau est son grand rival, les regards se tournent vers lui. «Cette histoire m’a fait énormément de tort. La calomnie, c’est abominable. C’est du napalm», disait-il. L’homme se tient dès lors loin de la vie parisienne, vivant quasiment reclus dans son temple du cinéma.