Derrière les conseils d’influenceurs, des pubs déguisées, selon l’UE

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Recette de cocktail, dernière mode de fast-food, conseils beauté… Derrière les recommandations enthousiastes des influenceurs du web se cachent le plus souvent des publicités déguisées, selon une étude publiée mercredi par l’UE. La Commission européenne affiche volontiers son intention de mettre fin au «Far-West» sur internet, en visant notamment la désinformation, les contenus violents ou le harcèlement. Autre cible: en lien avec les régulateurs nationaux, Bruxelles a décortiqué les publications de 576 influenceurs sur les réseaux sociaux (Instagram, TikTok, YouTube, Facebook, X, Snapchat, Twitch) à travers 22 Etats membres ainsi qu’en Norvège et en Islande. Résultat sans appel: la quasi-totalité (97%) des influenceurs publiaient «des contenus commerciaux», mais seulement un cinquième d’entre eux «indiquaient systématiquement» et clairement qu’il s’agissait d’une publicité. Pourtant, il s’agit d’une exigence du droit de l’UE en matière de protection des consommateurs. Certains évoquant simplement des «collaborations» ou «partenariats». Autres manquements: seuls 36% étaient enregistrés en tant que professionnels et 30% ne fournissaient aucune coordonnée d’entreprise. Près de 360 de ces influenceurs seront désormais ciblés par une enquête «plus approfondie» des autorités nationales et risquent des sanctions, précise l’exécutif européen. Le marketing lié aux influenceurs aurait généré l’an dernier environ 20 milliards d’euros dans le monde. «Avec l’essor tentaculaire des réseaux sociaux, le monde des influenceurs est devenu une activité à part entière», souligne le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders. «Ils exercent une influence considérable sur leurs abonnés, dont beaucoup sont mineurs. Je les appelle à faire preuve de beaucoup plus de transparence», a-t-il averti. Parmi les influenceurs étudiés, 119 promouvaient «des activités malsaines ou dangereuses»: «malbouffe», consommation de boissons alcoolisées, traitements médicaux ou esthétiques, jeux d’argent et de hasard, ou encore services financiers risqués (cryptomonnaies…), explique la Commission. Les Vingt-Sept réfléchissent à adopter des règles communes pour mieux encadrer le secteur: un document de travail recommande aux États membres «d’envisager un code éthique ou un label éthique pour les influenceurs». Plusieurs scandales ont mis en lumière les dérives de certains influenceurs-stars, conduisant plusieurs pays à adopter des législations spécifiques. La reine des influenceuses italiennes, Chiara Ferragni est ainsi visée par une enquête pour fraude après avoir laissé entendre que les recettes d’un parrainage avec une marque de brioches seraient reversées au profit d’enfants cancéreux. En France, des plaignants ont lancé des actions collectives, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a publié une étude accablante, et le rappeur Booba a multiplié les virulentes critiques en ligne. Une législation française adoptée l’an dernier introduit une batterie de mesures contre les abus, définissant un statut légal des influenceurs, et prohibant la promotion de certaines pratiques: chirurgie esthétique, abstention thérapeutique, paris sportifs, produits à la nicotine… Alors que beaucoup d’influenceurs à succès opèrent depuis l’étranger, comme à Dubaï, le texte entend leur imposer de souscrire une assurance civile dans l’UE s’ils n’y résident pas, dans le but de pouvoir le cas échéant indemniser des victimes potentielles. De façon générale, l’Union européenne a durci son arsenal pour réguler internet. Sa législation sur les services numériques (DSA) entre pleinement en vigueur ce samedi avec des obligations désormais imposées à l’ensemble des plateformes, sous peine d’amendes, pour mieux protéger les utilisateurs contre les contenus illégaux. Elle exige également plus de transparence en termes de publicité.