Y. MARCHET (Cinema for Change) : «Les productions audiovisuelles à fort impact social émergent fortement»

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Vendredi dernier, s’est tenu à Paris «Cinema For Change», le 1er forum consacré aux contenus à impact social. Pendant une journée, il a réuni les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel autour des enjeux de la production. Bilan des échanges avec Yann MARCHET, co-organisateur de «Cinema For Change». 

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Les productions audiovisuelles s’impliquent-elles de plus en plus dans des contenus à fort impact social ? 

Yann MARCHET 

Absolument ! Le SIE (Social Impact Entertainment) regroupe aujourd’hui diverses formes de contenus, qu’ils soient narratifs ou documentaires, principalement pour le cinéma et la télévision, qui peuvent avoir un impact social tout en étant de grands divertissements. Avec Marc Obéron, co-organisateur de «Cinema for Change», nous avons souhaité évoquer à travers ce forum, tout ce qui concerne des contenus à fort impact social, pouvant faire évoluer la société. On assiste à une vraie émergence de contenus portés par des producteurs ayant un regard citoyen. Des films comme «Les Invisibles», «Au nom de la terre», «Green Book» traitent d’un certain nombre de problèmes sociaux et rencontrent le grand public. Aux États-Unis, les artistes, les studios et les plateformes de streaming investissent de plus en plus dans des productions à fort impact social pour devenir eux aussi des acteurs du changement. 

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Ce Social Impact Entertainment a-t-il été initié aux États-Unis ? 

Yann MARCHET 

Outre-Atlantique, les professionnels conceptualisent les tendances pour en faire un business. Depuis quelques années à Hollywood, les studios intègrent en effet des éléments à impact social dans leurs productions. Des métiers comme «Chief Impact Officer» se créent en vue de suivre des productions de ce type. Un exemple, des films de super-héros comme «Birds of Prey», actuellement en salles, met en scène uniquement des héroïnes. Le personnage d’Harley Quinn, la fiancée du Joker sort de l’ombre. C’est un message à impact puisque les archétypes évoluent. Il existe aussi des sociétés de production qui intègrent une stratégie d’impact social dans leur line-up. L’action citoyenne s’intègre ainsi dans la démarche artistique face à un public qui se pose de plus en plus de questions sur le futur de notre planète au niveau social et environnemental. 

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En matière de storytelling, les bonnes causes font-elles les bonnes histoires ? 

Yann MARCHET 

Pas forcément ! Il y a des créateurs tellement attachés à leur sujet qu’ils en oublient la dramaturgie et l’enjeu de création au profit du thème. Pour qu’elle traverse les générations, une oeuvre doit porter autre chose qu’un sujet de société. Il faut trouver un équilibre entre le sujet, le regard porté par le réalisateur et les enjeux de dramaturgie pour maintenir le spectateur devant l’écran, sans trahir la cause. Prenons l’exemple de «Watt the Fish», un documentaire contre la pêche électrique produit en 2019 par «IN Focus». Ils ont travaillé en étroite collaboration avec une ONG. Mais il s’est avéré que le combat de cette dernière n’allait pas exactement dans la même direction du producteur qui lui, devait livrer un film dont l’objectif était de marquer l’intérêt du public. 

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En quoi les financements de la production SIE sont-ils innovants ? 

Yann MARCHET 

Quand on parle de sujets qui offrent de nouveaux regards sur la société, il faut convaincre des investisseurs traditionnels, parfois frileux, de mettre à l’écran, de nouveaux visages et/ou de nouvelles histoires. Une production SIE va donc se tourner vers des schémas de financement innovants et complémentaires. Le fonds «Impact Film», par exemple, est la première structure d’investissement dans les films qui luttent contre les clichés au cinéma et à la télévision en favorisant la production d’oeuvres qui changent le regard du spectateur sur le monde. Il y a aussi le crowdfunding qui s’est beaucoup développé dans ce type de production. On peut aussi évoquer «Logical Pictures», une société qui a mis en place des outils de Blockchain qui permettent de sécuriser les remontées de recettes. C’est aussi une façon d’attirer de nouveaux investisseurs dans le cinéma. Enfin, Pixetik s’inscrit comme une société de placement de produits mais qui propose uniquement des marques éthiques.