Alexandre PIEL, Directeur adjoint de l’Unité Fiction en charge de l’international d’ARTE France

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ARTE diffuse jusqu’au 26 mars la série britannique multiprimée «Peaky Blinders» qui s’inscrit dans l’ambitieuse politique éditoriale mise en œuvre par l’Unité Fiction d’ARTE France en matière de séries européennes. En fer de lance de cette dynamique: «Occupied», une coproduction avec la Norvège dont le tournage vient de s’achever. Afin d’en savoir davantage sur la ligne de conduite de la chaîne franco-allemande en matière de préachats et d’acquisitions, média+ s’est entretenu avec Alexandre PIEL, Directeur adjoint de l’Unité Fiction en charge de l’international d’ARTE France.

MEDIA +

Acteur de premier plan dans l’acquisition de séries européennes, quelle est votre logique d’acquisition internationale ?

ALEXANDRE PIEL

Nous nous attachons à acquérir plus de 85% de séries européennes. Une grande partie de notre budget est consacrée aux achats de séries déjà produites. En parallèle, nous avons considérablement augmenté la part de budget dédié aux préachats. Cette démarche répond à une double logique: prendre plus de risques et capter des droits sur des territoires majeurs en Europe francophone et en Europe germanophone, avant la concurrence. La deuxième logique est de créer des contacts avec des distributeurs et des producteurs de manière à réfléchir dans un second temps à des coproductions. C’est ce que nous avons fait avec «Occupied» (10X45’) coproduite avec les Norvégiens. 

MEDIA +

Pourquoi  ARTE France n’a-t-elle pas signé d’accords-cadres avec des majors, contrairement aux groupes audiovisuels ? 

ALEXANDRE PIEL

Parce que nous fonctionnons au cas par cas. Nous nous attachons à l’origine du projet, au contenu et à ce qui est véhiculé. Ce sont des coups de cœur qui répondent à des paramètres très objectifs et qui renvoient à la ligne éditoriale de l’Unité Fiction d’ARTE. Le paramètre n°1 est d’avoir 85% des séries européennes pour favoriser au mieux les rencontres culturelles. Nous devons aussi répondre à des critères propres à l’origine de la création d’ARTE : humanisme et  valeurs démocratiques. Le 3ème vecteur est de comprendre la société dans laquelle nous sommes, de débattre de grandes thématiques et d’anticiper la société de demain. Nous poussons le curseur afin de lorgner parfois du côté de la science-fiction et de l’anticipation. 

MEDIA +

Quels genres de séries recherchez-vous ?

ALEXANDRE PIEL

Nous tentons d’offrir le plus de diversité possible. Les genres de séries diffusées dépendent aussi de l’offre et de la demande. L’objectif est de ne pas être monochrome, ni d’offrir que des polars ou des fictions politiques. Nous voulons surprendre. Apporter du renouveau à nos téléspectateurs fait partie de nos ambitions. ARTE France s’est engagée sur trois préachats de séries, dont «Wolf Hall» (6X52’) de Peter Kosminsky, un talent que nous soutenons depuis des années. Cette série a été adaptée du phénomène littéraire d’Hillary Mantel, sur l’ascension de Thomas Cromwell à l’époque des Tudors. ARTE parie également sur «Indian Summers» (1X90’ – 9X60’), une fresque romanesque sur l’Inde et le déclin de l’Empire britannique. Enfin, «Norskov» (10X60’) est  un polar danois redoutablement efficace sur fond de trafic de drogue. La série se démarque visuellement des autres.

MEDIA +

ARTE évite-t-elle à tout prix les séries américaines ? 

ALEXANDRE PIEL

Nous n’excluons pas totalement la possibilité d’acquérir des séries US mais nos objectifs sont avant tout de nous focaliser sur l’Europe où la créativité en matière de série y est forte. Il est intéressant de cerner les tendances et de voir comment évoluent les standards de production et de qualité d’un continent à l’autre. La série européenne se porte extrêmement bien et véhicule une vraie différence. Elle est culturellement locale et devient aussi totalement universelle. Ces séries répondent à un objectif de mondialisation et elles ont l’avantage de contenir une intrigue, des débats et une narration riche souvent doublée de problématiques sociétales ou politiques. La force d’Arte est de prendre des risques alors que les chaînes commerciales généralistes, plus enclines à acheter des séries US, contraintes par les retombées publicitaires, visent des univers beaucoup plus larges.

MEDIA +

Parmi vos derniers achats, les miniséries sont nombreuses. Pourquoi ce choix ? 

ALEXANDRE PIEL

Les miniséries prennent le temps de traiter d’un sujet en trois épisodes, et elles répondent à la rythmique du 52’. Mais nous faisons  aussi des achats de séries scandinaves ou israéliennes de 10 épisodes. Nous les programmons le jeudi soir et nous créons ainsi un rendez-vous sur 3, 4, ou 5 semaines. A ce titre, la série britannique «Peaky Blinder» (12X60’) est en cours de diffusion juste avant l’arrivée de «L’héritage empoisonné» (10X60’), une série suédoise prévue tous les jeudis à 20h50 du 9 avril au 7 mai.