Christian GRECE (Observatoire européen de l’audiovisuel) : « La France est le 2ème grand exportateur de films en SVOD de l’UE avec 18% des films UE »

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L‘Observatoire européen de l’audiovisuel a publié un nouveau rapport gratuit sur l’exportation des films européens sur les services de SVOD hors Europe. Résultat: Amazon est le principal acheteur de films UE disponibles en SVOD hors Europe. L’occasion pour média+ de s’entretenir avec Christian GRECE, analyste à l’Observatoire européen de l’audiovisuel, spécialiste de la télévision et des marchés audiovisuels à la demande en Europe.

MEDIA +

Comment se portent les films UE sur les plateformes de SVOD ?

CHRISTIAN GRECE

A l’étranger (hors UE), les films UE représentent environ entre 15% à 20% des films disponibles dans les catalogues, surtout en Amérique du Nord, Russie, Turquie, Océanie, Amérique latine et le Moyen Orient. En Asie (Chine, Japon, Inde et Asie du Sud-Est), ils représentent entre 8% et 12%. Après les films produits en Grande-Bretagne, qui à eux seuls représentent 41% des films UE disponibles, la France est le deuxième grand exportateur de films en SVOD de l’UE avec 18% des films UE. L’importance de la production cinématographique française, la reconnaissance/renommée du «label France» pour certaines catégories de films ainsi que leur présence dans les festivals de films autour du monde y contribuent certainement. Mais il faut aussi voir que ces chiffres ne parlent que de l’offre disponible, nous ne disposons malheureusement pas encore, de données sur la consommation de ces films par les abonnés des différents services SVOD autour du monde. 

MEDIA +

Il existe de nombreuses plateformes… Pourquoi, selon-vous, Amazon est le principal acheteur de films UE disponibles en SVOD ?

CHRISTIAN GRECE

Amazon semble adapter son offre de films aux régions dans lesquelles le service opère, et semble prêt à acheter des droits pour des films UE afin de compléter ses catalogues. Mais Amazon achète moins de droits globaux comme le fait Netflix. Ce que l’étude montre aussi, c’est que Netflix fait voyager les films UE dans ses différents catalogues et recherche des droits globaux, pas forcément exclusifs, tandis qu’Amazon semble davantage acheter des droits selon les régions.

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L’offre de SVOD augmente année après année… Le marché va-t-il couler ?

CHRISTIAN GRECE

Je ne pense pas que le marché va couler, nous ne sommes qu’au début. La tendance est vers la SVOD et le modèle Direct-to-consumer (D2C), comme par exemple l’offre à venir de Disney, Disney+. Mais il ne faut pas oublier que nous ne sommes qu’au début du D2C dans le secteur audiovisuel. En tous cas, nous allons encore voir des changements.

MEDIA +

Les plateformes de SVOD sont essentiellement américaines. Est-ce un atout pour le marché US ?

CHRISTIAN GRECE

Certainement, mais on voit aussi que les services SVOD US investissent de plus en plus en Europe et dans la production audiovisuelle européenne, à l’instar de Netflix ou Amazon qui s’intéressent aux films européens. Les US sont de loin le premier exportateur de films dans les services étudiés avec environ 45% des films disponibles. Ils voyagent bien, et comme à la TV ou au cinéma, trouvent des acheteurs et consommateurs en SVOD.

MEDIA +

La SVOD remplace-t-elle le média TV ?

CHRISTIAN GRECE

Le média TV est en train de changer et il ne faut pas oublier que ce sont les séries qui représentent la majorité des contenus disponibles sur les services SVOD (Vidéo à la Demande). Donc la SVOD n’est pas en train de remplacer le média TV mais plus la TV linéaire, qui essayait de maximiser l’audience à des horaires précis. La SVOD, et la Vidéo à la Demande en général, ainsi que les sites de partage de vidéos comme YouTube ou encore les médias sociaux comme Facebook, Snapchat ou TikTok permettent une consommation que l’utilisateur choisit. C’est cela le plus grand changement. Quant à l’avenir des chaînes de TV traditionnelles, elles essayent de s’adapter à cette évolution, en lançant leurs services D2C/SVOD comme Salto, ou en investissant plus dans la production pour pouvoir vendre des contenus aux plateformes (Viacom ou ITV par exemple).

MEDIA +

Les services de plateformes ne sont plus seulement diffuseurs mais aussi des créateurs de contenus…Pourquoi ce changement ?

CHRISTIAN GRECE

Les contenus premiums exclusifs sont une des raisons principales pour un consommateur de s’abonner. Les services l’ont bien compris et investissent donc en conséquence. Aussi, les ayants-droits qui auparavant avaient vendu les droits de leurs séries et films aux services SVOD vont les reprendre pour garder leurs contenus sur leurs services, à l’instar de Disney qui a repris le contrôle de l’exploitation de ses contenus à Netflix, ou NBC Universal qui a repris les droits de «The Office» aux Etats-Unis à Netflix, ou encore WarnerMedia qui a fait la même chose avec «Friends» pour son service HBO Max.