«Emilia Perez» de Jacques Audiard a récolté 13 nominations aux Oscars

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«Emilia Perez» de Jacques Audiard a récolté jeudi 13 nominations aux Oscars, dominant largement un cérémonial assombri par les incendies meurtriers de Los Angeles. Déjà primée à Cannes, cette odyssée musicale sur la transition de genre d’un narcotrafiquant mexicain devient ainsi le film non anglophone le plus nommé de tous les temps. Cette production inclassable, définie par le cinéaste français comme un «film transgenre», devance cette année «The Brutalist», vaste fresque sur la vie d’un immigré juif, et la comédie musicale «Wicked», qui ont chacun obtenu dix nominations. Le biopic sur Bob Dylan, «Un parfait inconnu», et le thriller papal «Conclave» obtiennent eux huit nominations. Habituellement obnubilé par la course aux statuettes, Hollywood a été tristement rappelé à la réalité ce mois-ci: face aux incendies qui ont tué près d’une trentaine de personnes et forcé des milliers à fuir, la clôture du vote pour les nominations a dû être repoussée. Au milieu de la catastrophe, l’annonce s’est faite en ligne, en comité restreint. Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur film international… «Emilia Perez» a été nominé dans la plupart des catégories majeures, et dans de nombreuses catégories techniques pour sa BO et sa musique. Karla Sofía Gascón, qui interprète le rôle titre, est devenue la 1ère comédienne ouvertement transgenre nominée pour l’Oscar de la meilleure actrice. Autre pilier du film, Zoe Saldaña a été nommée pour le meilleur 2nd rôle féminin. Tourné principalement en espagnol, «Emilia Perez» et ses 13 nominations effacent le record précédemment co-détenu par 2 autres films non anglophones: «Tigres et Dragons» (2000), du réalisateur taïwanais Ang Lee, et «Roma» (2018), du Mexicain Alfonso Cuaron. Un autre film français, «The Substance», a également été largement honoré avec 5 nominations. Cette fable horrifique de la Française Coralie Fargeat, où Demi Moore incarne une ancienne gloire d’Hollywood accro à un sérum de jouvence, concourra notamment dans les catégories meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure actrice. Chez les actrices, Demi Moore et Karla Sofía Gascón affronteront Mikey Madison («Anora»), Cynthia Erivo («Wicked») et la Brésilienne Fernanda Torres («Je suis toujours là»). Côté acteurs, le grand favori Adrien Brody («The Brutalist») a été nommé aux côtés de Ralph Fiennes («Conclave»), Timothée Chalamet («Un parfait inconnu») et Colman Domingo («Sing Sing»). Un quatuor complété par Sebastian Stan, nommé pour son portrait troublant des années de jeunesse de Donald Trump, dans «The Apprentice». Le film a fait l’objet de menaces de poursuites de la part des avocats du milliardaire républicain, notamment en raison d’une scène où l’on voit le nouveau président des États-Unis violer sa femme d’alors, Ivana. L’Académie adresse ainsi un message engagé, quelques jours après l’investiture du 47e président américain. Les votants «pourraient envoyer un message politique», pronostiquait avant les nominations le chroniqueur Pete Hammond du site Deadline. Cela s’est confirmé, avec la nomination de Jeremy Strong, qui incarne dans le film Roy Cohn, avocat sans foi ni loi et mentor de Donald Trump. La cérémonie des Oscars, qui se déroulera le 2 mars, prendra cette année une tournure particulière, a annoncé le DG de l’Académie, Bill Kramer. Elle «rendra hommage au courage des 1ers secours» intervenus pendant les incendies «et célèbrera l’esprit de résilience» de Los Angeles, a-t-il expliqué. Le reste des nominations a fait la part belle aux films internationaux. Outre «Emilia Perez» et «The Substance», le film brésilien «Je suis toujours là» a tiré son épingle du jeu. Ce drame historique, situé dans les années 70, lorsque le Brésil était encore une dictature, a obtenu 3 nominations, dont une dans la catégorie meilleur film. Côté animation, le film letton «Flow» obtient deux nominations.