Entretien avec… Antoine Clert, P.-D.G. de Son et Lumière

    média+ : Quel bilan tirez-vous de la diffusion des six épisodes de la série «Sur le fil» sur France 2 ?

    Antoine Clert : Nous n’avons pas fait les audiences que nous espérions. La concurrence était vive. Le public va plus vers les fictions américaines que vers certaines fictions françaises et plus particulièrement les nouvelles fictions en 52′. Donc c’est une habitude nouvelle, il va falloir convaincre petit à petit nos téléspectateurs que ces nouvelles fictions sont de bonne qualité et extrêmement originales.

    média+ : France 2 vous a commandé une deuxième saison. Quelles seront les nouveautés ?

    Antoine Clert : Nous sommes actuellement en tournage de la moitié de la 2ème saison. Nous allons changer certaines choses comme le générique. Nous pouvons espérer que petit à petit le public vienne. Lorsque nous avons commencé «Avocats et associés», les deux premières saisons n’avaient pas été bonnes du tout. Nous avions mis un certain temps à nous imposer et je pense qu’il en sera de même pour «Sur le fil». Il y 12 épisodes pour la 2ème saison: 6 sont actuellement en production et 6 autres le seront dans le courant de l’année prochaine. Il y aura une première diffusion des 6 premiers épisodes dans le courant du premier semestre 2008. Pour la suite ce n’est pas encore fixé.

    média+ : Quel est votre budget pour produire la série «Sur le fil» ?

    Antoine Clert : France 2 nous donne un peu plus de 600 000 euros par épisode, ce qui n’est pas énorme. Par rapport à Canal+ et aux autres chaînes, c’est malheureusement très peu.

    média+ : Vous avez produit la première saison de la série «Engrenages» pour Canal+. Où en êtes-vous?

    Antoine Clert : Nous sommes actuellement en train de produire la deuxième saison et nous travaillons sur la troisième qui est en écriture. La première et la deuxième saisons de la série ont été achetées par la BBC. La série a également été achetée au Japon mais j’attends encore des précisions.

    média+ : Vous êtes la plus ancienne société de production indépendante. Avez-vous des propositions de rachat ?

    Antoine Clert : Effectivement, Son et lumière a été crée en 1947. Nous comptons demeurer indépendant. Si les nouvelles règlementations de l’audiovisuel, comme je le souhaite, laissent une grande part aux indépendants, il n’y a aucune raison pour que Son et lumière perde son indépendance. C’est ce qui fait le charme de ce métier et la force de notre imagination.

    média+ : Vous avez été les premiers à tourner en 52′ avec la série «Avocats et associés» en 1998. Que pensez-vous de ce format aujourd’hui ?

    Antoine Clert : C’est un vrai format de télévision comme le 26′. Le 90′ n’en est pas un. Il est beaucoup plus difficile de faire des 52 que des 90, c’est un autre métier car vous vous lancez dans une opération lourde financièrement, difficile sur le plan de l’écriture. Quand vous regardez les télévisions du monde, elles font toutes du 52′ ou du 26′. Toutes les grandes séries britanniques ou américaines sont en 52′.

    média+ : Que voyez-vous pour l’avenir ?

    Antoine Clert : Si la nouvelle réglementation donne aux diffuseurs tous les pouvoirs, je considère que ce sera la fin de la fiction parce que je ne pense pas que les diffuseurs soient des producteurs. Si demain, systématiquement, les diffuseurs peuvent produire plus que ce qu’ils peuvent actuellement, on assistera à ce qui s’est passé avec TF1, c’est-à-dire des séries qui coûtent très chères et qui n’intéressent personne. Je souhaite que l’on permette à la publicité d’être plus importante: nous sommes quand même le seul pays d’Europe occidentale où la publicité est limitée et je trouve cela absolument aberrant. Les chaînes ont actuellement la possibilité de réaliser1/3 de leurs commandes en interne. Si comme je l’espère, cette réglementation disparaît, cela permettra l’éclosion de nouvelles sociétés et de nouveaux talents. Je pense que l’avenir est manifestement aux indépendants. Il y a une politique du risque qui doit s’implanter maintenant: on se rend compte qu’une série ne marche pas du premier coup. Il faut commander beaucoup de projets et voir parmi eux celui qui finalement est susceptible d’aboutir. C’est la diversité qui va permettre le succès. C’est vrai que nous vivons une révolution, une mutation de la télévision. Les vieux schémas sont en train de disparaître. Je plaide pour que le service public ait plus de moyens. Si le fossé continue à s’élargir entre le service public et les chaînes privées, arrivera un moment où le service public disparaîtra. Pour éviter sa disparition, il faut donner les moyens, quitte à modifier le nombre de chaînes et à prendre des risques. Aux Etats-Unis, il y a chaque année plusieurs centaines de projets qui sont mis sur le marché et au final, il n’y en a que quelques uns qui sortent. Je crois qu’il va falloir que l’on s’inspire un peu de cela.

    média+ : Quels sont vos projets actuellement ?

    Antoine Clert : Nous avons des projets de séries avec TF1 dont une série qui s’appelle «L4». Nous avons aussi un projet de grande production en Inde avec France 2. C’est une série de 8×52′ dont l’action se situe entre la France et les Indes au milieu du 18ème siècle. L’histoire raconte les aventures d’une jeune française à qui il arrive bien des malheurs et qui sera diffusée en 2009-2010. Nous avons aussi une série policière pour France 2. Nous tournons aussi pour France 3 une mini série qui s’appelle «Duel en ville» de 4×52′ qui est tournée actuellement à Bordeaux. Nous travaillons pour tout le monde.

    média+ : Vous produisez actuellement des séries et des documentaires. Allez-vous vous positionner sur d’autres genres ?

    Antoine Clert : J’ai produit un long métrage dans le temps, et si demain j’ai un très bon scénario de long métrage, je le produirai. Le divertissement est un autre métier. Je ferais du divertissement si j’avais quelqu’un qui en été spécialisé. C’est un univers très fermé auprès des diffuseurs. Pour l’instant, je suis incapable de faire du flux. Nous sommes au début d’une révolution. Je ne sais pas vers quoi nous allons mais cela va être vers d’autres formes de télévisions et d’autres pratiques d’utilisation. Le public se tourne de plus en plus vers de nouveaux modes de diffusion. Près de 20% du public regarde d’autres chaînes que les généralistes et nous allons vers 30 ou 40% à terme. Cela veut dire que tout est bouleversé, même le financement de ce que l’on fait.

    média+ : Allez-vous produire des mini séries de 5-6′ diffusables sur les téléphones mobiles ou Internet ?

    Antoine Clert : Pourquoi pas. Pour l’instant, je pense que ceux qui font cela le font à perte et comme ce n’est pas notre objectif on ne le fait pas. Il faut aussi savoir quand Internet participera au financement de nos programmes.

    Société de Production : Son et Lumière

    • Les Dirigeants:
    Antoine Clert, P.-D.G

    • Date de création : 1947

    • Coordonnées :
    3 bis rue Garnier
    92200 Neuilly sur Seine

    • Activités principales :

    TV documentaires, fictions

    • Les productions :

    «Engrenages» (Canal+); «Le temps meurtrier» (France 3); «Avoctas et associés» (France 3)…