F. BROCHARD (France Télévisions) : «L’Intelligence Artificielle va s’intégrer à tous nos projets stratégiques»

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Le groupe France Télévisions a engagé un processus majeur de e-transformation. Au cœur de cette démarche, un nouveau programme de transformation technologique d’ampleur est mené dans une approche systémique, et dans un contexte contraint. A l’occasion du salon de l’innovation Vivatech qui se tient du 16 au 19 juin, et dont France Télévisions est partenaire, média+ s’est entretenu avec Frédéric BROCHARD, Directeur des Technologies et des Systèmes d’Information de France Télévisions.

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Quelle est la stratégie globale de la transformation technologique de France Télévisions ?

FRÉDÉRIC BROCHARD

L’ambition première est de nous concentrer sur notre métier : la création audiovisuelle. Même si la technologie est importante dans notre secteur d’activité, nous ne sommes pas une entreprise de technologies. En revanche, il faut savoir la rendre agile et la plus accessible possible. Pour cela, nous avons mis en place des solutions SaaS (Software as a Service) pour toutes nos activités «corporate» et «finance» en  basculant sur des solutions Cloud. Cela permet ainsi d’utiliser des logiciels, accessibles via un navigateur Internet, toujours à jour et sécurisés et répondant au besoin croissant de mobilité des collaborateurs. Même démarche pour les solutions de Microsoft (Office 365, Teams, mails…) qui nous ont permis d’avoir accès à un environnement de travail et à continuer de collaborer pendant la crise sanitaire. Il y a 20 ans, tous les grands groupes de télévision développaient leurs propres logiciels en interne pour faire fonctionner à la fois le conducteur général de l’antenne ou celui du JT. A ce jour, le marché offre des solutions adaptées à tous les supports de diffusion et faciles d’utilisation. Nous utilisons aujourd’hui Open Media pour le conducteur des informations, et Mediagenix pour le conducteur de l’antenne. La transformation technologique se poursuit actuellement au niveau de France 3 et de France 2 avec le basculement de leur système d’information sur ces nouveaux logiciels. Une de nos missions est de simplifier, centraliser et unifier les outils du groupe au niveau technologique, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.

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Tous les métiers au sein de France Télévisions sont-ils digitalisés ?

FRÉDÉRIC BROCHARD

Oui, bien entendu ! Les salariés du groupe ont accès à des outils récents, toujours à jour et unifiés. Ils ont aussi accès à une déclinaison mobile des logiciels. Pendant la crise sanitaire, pour la première fois au monde avec la société Dalet, nous avons permis aux journalistes de monter entièrement leurs sujets dans le Cloud. De chez eux, ils avaient accès aux mêmes sources vidéo qu’au siège. Pour valider leur reportage auprès du rédacteur en chef, les journalistes se connectaient via Teams pour partager l’écran et la vidéo montée.

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En quoi consiste le processus d’e-transformation engagé par France Télévisions ?

FRÉDÉRIC BROCHARD

Il y a d’abord la modernisation des systèmes d’information et celle des plateformes de publication. Sur France.tv il y a encore deux ans, nous ne pouvions pas mettre à disposition un contenu s’il n’était pas préalablement diffusé sur une de nos antennes (France 2, France 3, France 4 ou France 5). Nous étions vraiment dans une solution de replay. Aujourd’hui, c’est une plateforme de publication complètement décorrélée de la diffusion des chaines linéaires. France.tv est aujourd’hui une antenne comme une autre qui a sa propre indépendance. Nous pouvons aussi publier ce que l’on veut en utilisant les capacités de DRM (Digital Rights Management) qui nous permettent la gestion des droits numériques.

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Quelle est la place de l’Intelligence Artificielle (IA) dans votre stratégie?

FRÉDÉRIC BROCHARD

L’IA va s’intégrer à tous nos projets stratégiques. Accompagnées de start-up et du laboratoire télécom Paris-Sud, notre cellule dédiée (DaIA) créée de nouvelles solutions d’intelligence artificielle que nous associons aux solutions cœur de métier. Par exemple, notre ambition sur franceinfo est de créer, semi-automatiquement, des sous-titrages, en continu à destination des publics sourds ou malentendants. Sur les fictions, si nous souhaitons intégrer une publicité pendant le replay, nous allons faire en sorte que l’intelligence artificielle détecte le changement de scène le plus propice. Enfin, nous développons une solution qui va sélectionner automatiquement et massivement des vignettes d’illustration des programmes pour toutes nos offres numériques.  

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Quels sont les éléments visibles de la transformation technologique pour le consommateur/téléspectateur ?

FRÉDÉRIC BROCHARD

Pendant la crise sanitaire, nous avons assuré notre mission de service public en donnant accès à toutes les solutions Cloud et de télétravail nécessaires à la continuité de nos activités et de nos antennes. Sur la partie des contenus, nous enrichissons les données descriptives des programmes sur la plateforme France.tv. Sur la partie diffusion, même si la majorité de nos contenus est diffusée en HD, France Télévisions a engagé le virage technologique autour de l’UHD 4K. Ce sont de gros investissements. Pour la première fois, nous avons diffusé via Bouygues Telecom, Roland Garros en UHD 4K.

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Quels sont vos projets en cours ?

FRÉDÉRIC BROCHARD

Grâce à la 5G qui va se déployer massivement un peu partout, nous allons pouvoir réaliser des directs d’une qualité bien supérieure à celle que nous connaissons. D’ici 5 ans, France Télévisions sera une entreprise qui aura fini son virage sur le cloud. Elle se sera libérée des questions technologiques et d’infrastructures. Nous aurons la capacité d’utiliser l’Intelligence Artificielle pour augmenter les capacités d’arbitrage des salariés. D’un point de vue digital, l’entreprise aura créé un lien encore plus fort avec ses internautes en les connaissant davantage.