Face à l’Eurovision à Tel-Aviv, les Palestiniens prévoient une alternative musicale et artistique

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A l’heure où Tel-Aviv s’adonnera à l’insouciance de l’Eurovision, les Palestiniens et leurs soutiens prévoient samedi une alternative musicale et artistique pour attirer l’attention sur la réalité moins scintillante de l’occupation israélienne. Le programme, intitulé «Globalvision», aura lieu à Londres, Dublin, dans la ville palestinienne de Ramallah en Cisjordanie occupée, et à Haïfa, ville du nord d’Israël à l’importante communauté arabe. Globalvision promet «d’incroyables talents palestiniens soutenus par des artistes israéliens et internationaux». Le nom de Brian Eno, célèbre musicien et producteur britannique, est associé à l’initiative. La soirée à Haïfa mettra ainsi en vedette une drag-queen et d’autres artistes censés soutenir la comparaison avec le tape-à-l’oeil étalé à Tel-Aviv. Globalvision détourne aussi le slogan de l’Eurovision sur fond de ciel étoilé. «Cette année, l’Eurovision sert à occulter de terribles réalités, comme la répression militaire et culturelle exercée contre les communautés palestiniennes, et l’oblitération continue de la terre palestinienne», explique son site.Aucune chaîne européenne ne devrait retransmettre Globalvision, quand des dizaines de millions de téléspectateurs vibreront devant l’Eurovision. Globalvision encourage donc le public à les suivre en direct sur internet, et à délaisser l’Eurovision. L’initiative n’est pas dirigée contre l’Eurovision, mais vise au contraire à mettre en lumière «les valeurs originales de l’Eurovision, à savoir l’inclusion et la diversité», affirme Najwan Berekdar, l’une des organisatrices. Depuis que l’Israélienne Netta Barzilai a gagné l’Eurovision en 2018 et assuré à son pays l’accueil de l’édition 2019, Israël est en butte aux appels au boycott, dans la ligne des campagnes menées dans les secteurs économiques ou scientifiques pour obtenir la fin de l’occupation des Territoires palestiniens. Israël dénonce ces campagnes comme antisémites, ce que contestent les promoteurs des appels au boycott. Pour Israël, l’éventuel succès de l’évènement pourrait faire office de formidable spot publicitaire international et promouvoir ses sites touristiques, ses plages, sa gastronomie… Les militants pro-palestiniens s’inquiètent que d’autres réalités, à quelques dizaines de kilomètres de Tel-Aviv seulement, soient escamotées. La Cisjordanie et Jérusalem-Est sont des territoires occupés, selon l’ONU. Près de 630.000 colons israéliens y vivent de manière souvent conflictuelle avec les Palestiniens. Et la bande de Gaza est soumise au blocus israélien. Israël justifie l’occupation et le blocus par la nécessité d’assurer sa sécurité et par l’absence de partenaires pour la paix. «Israël instrumentalise l’art et la culture pour blanchir l’occupation», accuse Mme Berekdar. Sur la voie routière traversant Tel-Aviv, une ONG israélienne opposée à l’occupation a fait placarder une affiche détournant le «rêve» promis par l’Eurovision pour proposer aux visiteurs étrangers de «rêver de liberté» et participer à une visite en Cisjordanie occupée. Un groupe pro-israélien a répliqué en déployant sur le même axe une immense bannière offrant un rêve de «coexistence» et une visite guidée d’une tout autre tonalité. Le gouvernement s’emploie également à contrer les adversaires de l’Eurovision en terre israélienne. Il a fait fait en sorte que des publicités sur internet évoquant le boycott dirigent les internautes vers un site exaltant la beauté et la diversité d’Israël. Les artistes eux-mêmes tâchent de rester à l’écart. Madonna a été appelée à annuler la prestation qu’elle doit donner samedi. L’invitée phare de l’Eurovision a répondu qu’elle ne se «plierait» pas à des demandes politiques, mais qu’elle ne cesserait pas non plus de parler pour les droits humains partout dans le monde.