Le Festival international du film de Busan à l’épreuve du boycottage

498

Le Festival international du film de Busan (Biff) s’ouvre jeudi en Corée du Sud dans l’ombre d’une querelle persistante sur la liberté artistique et du boycottage de grands réalisateurs locaux, menaçant la réputation même du premier rendez-vous du cinéma d’Asie. Environ 300 films venus de près de 70 pays sont à l’affiche de cette 21ème édition, dont 66 longs métrages montrés en première mondiale. Dans la catégorie «Cinéma du monde» figurent des lauréats du dernier festival de Cannes, dont la Palme d’or, «Moi, Daniel Blake» du Britannique Ken Loach, et «Juste la fin du monde» du Canadien Xavier Dolan, titulaire du Grand prix. Comme à l’accoutumée, la part du lion reviendra au cinéma asiatique. «A quiet dream», drame du réalisateur sino-coréen Lu Zhang, ouvrira le bal mais c’est un film d’un réalisateur irakien, Hussein Hassan, «The Dark Wind», qui tirera le rideau. Le prestigieux festival est englué dans une dispute amère avec les autorités de Busan, la ville hôte, depuis la programmation en 2014 d’un film sur la catastrophe du ferry Sewol.  Ce documentaire, «Diving Bell» («Cloche de plongée») fustigeait la gestion par le gouvernement du naufrage qui avait fait 304 morts, dont 250 lycéens, en avril 2014. Le maire de Busan, Suh Byung-Hoo, qui était alors également le président du comité organisateur du Biff, s’était violemment opposé à sa diffusion. De multiples enquêtes avaient ensuite visé les membres du comité organisateur du Biff, son directeur artistique Lee Yong-Kwan avait été acculé au départ, et les subventions publiques avaient subi des baisses inédites. Toutes choses interprétées comme des attaques contre l’indépendance du festival. Quatre groupements de cinéastes sud-coréens de premier plan, dont la Guilde des producteurs de Corée et la Guilde des réalisateurs de Corée (DGK), ont annoncé qu’ils boycotteraient l’édition 2016, laquelle dure jusqu’au 15 octobre. Ces groupements comptent des centaines de membres, parmi lesquels Park Chan-Wook, primé à Cannes, et Bong Joon-Ho, qui avait dirigé le film de science-fiction à gros budget «Snowpiercer» en 2013 avec Tilda Swinton et John Hurt. Le sort réservé à l’ancien directeur artistique, accusé de détournement de fonds, suscite particulièrement la colère de ses partisans, qui le disent victime d’une vindicte politique. Un tribunal de Busan doit rendre son jugement à l’encontre de Lee Yong-Kwan fin octobre et le parquet a réclamé un an de prison. Pour tenter de tourner la page, le gouvernement de la ville de Busan, un des gros financeurs du Biff, a nommé voici quelques mois comme nouveau président du comité organisateur un homme très respecté, Kim Dong-Ho, le fondateur du festival, en lieu et place du maire. Peu après, les autorités municipales adoptaient de nouvelles règles visant à assurer l’indépendance du comité. Certains ont réagi en levant leurs menaces de boycottage mais les purs et durs disent que les nouvelles stipulations ne vont pas assez loin. «Il s’agit d’un compromis qui ne prend pas en compte nombre des exigences de nos membres et ne sera guère suffisant à assurer la liberté artistique du festival», a déclaré une porte-parole de la DGK. «Les 4 groupements vont boycotter l’événement comme prévu». D’après la presse, plusieurs cinéastes ont même refusé que le festival montrent leurs films. Le blockbuster «Train to Busan», une histoire de zombies qui a fait un carton en Corée du Sud comme à l’international, sera ainsi absent de la catégorie «Le cinéma coréen d’aujourd’hui» du fait du refus du producteur de le montrer, a rapporté l’agence Yonhap. «Nous avons décidé de ne pas le proposer car (…) le maire de Busan Suh Byung-Soo n’a jamais présenté ses excuses pour avoir provoqué la crise», a déclaré à l’agence un responsable de Red Peter Film. Nam Dong-Chul, programmateur du Biff, reconnaît que l’édition 2016 fait face «à de nombreuses difficultés», y compris un manque de financements, mais assure que festival repart sur de bons rails.