GB/#MeToo : l’impératif de silence opposé par la justice britannique au quotidien «Telegraph» suscite l’indignation

760

L’impératif de silence opposé par la justice britannique au quotidien «Telegraph», l’empêchant de publier une affaire de harcèlement sexuel impliquant un important homme d’affaires, était fustigé jeudi comme un passe-droit permettant aux riches d’échapper à un scandale dans le sillage du mouvement #MeToo.

«Le scandale britannique #MeToo qui ne peut être révélé»: le quotidien conservateur a déploré avoir été empêché par une décision de justice de dévoiler des faits de harcèlement sexuel et de racisme éclaboussant cet homme d’affaires britannique, au terme de huit mois d’enquête relayant notamment des accusations de plusieurs de ses employés. La Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles, saisie par l’armée d’avocats de la personnalité mise en cause, a stoppé temporairement la publication de l’article dans l’attente d’un procès.Elle a estimé que les informations publiées provenaient notamment d’accords de confidentialité signés par cinq employés avec l’homme d’affaires, ayant donné lieu à des versements d’argent «substantiels» et prévalant sur la liberté d’informer.Cette décision de non-publication a été critiquée dans les medias et au Parlement car perçue comme un moyen juridique permettant aux personnes fortunées de se soustraire au scandale. Selon le «Telegraph», l’homme d’affaires multimillionnaire a dépensé près de 500.000 livres (environ 566.000 euros) pour être représenté par une équipe d’au moins sept avocats du cabinet londonien Schillings, qui compte parmi ses clients la star portugaise du football Cristiano Ronaldo, accusée de viol. «Il semble que nos lois permettent aux hommes riches et puissants de faire pratiquement tout ce qu’ils veulent tant qu’ils paient pour le garder sous silence», a dénoncé la députée travailliste Jess Phillips à la chambre des Communes mercredi.

«Ordonnances de non-publication pour les riches», s’indignait jeudi le tabloïd à grand tirage The Sun à propos de cette procédure du droit anglo-saxon. La Première ministre Theresa May s’est du coup engagée mercredi devant les députés à revoir les règles entourant les accords de non-confidentialité afin d’empêcher l’usage «immoral» qui en était fait par certains employeurs. Son porte-parole a précisé ensuite que ces accords «ne devraient jamais être utilisés pour couvrir une activité criminelle». La Society of Editors, qui représente quelque 400 membres des médias, a dénoncé «une attaque contre la liberté de la presse». «L’usage croissant d’accord de non-confidentialité par les riches et puissants pour bloquer la publication d’informations qu’ils ne souhaitent pas voir diffusées est une voie dangereuse pour une société libre».