Google refuse de rémunérer la presse, malgré la réforme du droit d’auteur

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C’est la réponse de Google à la réforme européenne du droit d’auteur: la plateforme refuse de rémunérer les éditeurs de presse pour l’utilisation d’extraits de leurs contenus, mais ne les affichera plus dans ses résultats de recherche en France sans leur accord.Le géant américain du numérique a annoncé de nouvelles règles pour la France qui s’appliqueront le mois prochain, en application d’une loi adoptée cet été dans l’Hexagone, qui transpose dans le droit français la directive européenne sur le droit d’auteur. La France est le 1er pays membre de l’UE à appliquer cette directive, adoptée fin mars. Cette loi instaure notamment un «droit voisin» au profit des éditeurs de presse (qui publient journaux et magazines) et autres agences de presse. Une mesure censée les aider à faire rémunérer la reprise de leurs contenus sur les plateformes en ligne et autres agrégateurs, pour compenser l’effondrement de leurs recettes publicitaires traditionnelles, tandis que les géants du Net, dont Facebook et Google, se taillent la part du lion des revenus publicitaires en ligne. Cette directive avait fait l’objet d’une intense bataille de lobbying à Bruxelles, avec une mobilisation sans précédent des GAFA, qui avaient notamment argué qu’elle réduirait la liberté d’expression sur internet. Les entreprises de médias avaient au contraire plaidé la nécessité d’obtenir une compensation financière de la part des plateformes et autres agrégateurs d’info qui reprennent jusqu’ici gratuitement leurs informations, sous forme d’extraits, alors que celles-ci leurs coûtent de plus en plus cher à produire. Mais les règles présentées mercredi par Richard Gingras, vice-président de Google en charge de l’information, pour se conformer à la loi française, ne vont pas dans ce sens. Les éditeurs de presse basés en Europe devront désormais décider individuellement si, en France, des extraits de leurs infos, ou «snippets», et autres images miniatures continueront d’apparaître à côté des liens renvoyant vers leurs sites. Et ce, tant dans les résultats du moteur de recherche que dans Google Actualités.Pour les éditeurs qui accepteront, ces extraits s’afficheront sans qu’ils soient rémunérés par Google. S’ils le refusent, ces extraits et autres mini-images ne s’afficheront plus désormais dans les résultats du moteur de recherche, qui n’incluront dans ce cas qu’un titre et un lien «sec» vers les infos des éditeurs concernés. Mais les actualités de ces médias continueront tout de même à être référencées, assure Google, même si ces éditeurs de presse risquent de voir le trafic vers leurs sites diminuer voire chuter. Si Google n’a pas brandi l’arme d’une fermeture totale de Google Actualités (la version française de Google News), comme il l’avait fait en 2014 en Espagne, la pilule est difficile à avaler pour les éditeurs de presse, qui voient ainsi se réduire les espoirs de retombées liées au droit voisin. «C’était prévisible, Google ne souhaite pas collaborer de façon constructive. On pouvait s’attendre à cette sorte de chantage», a commenté Joy de Looz-Corswarem, chargée des questions européennes au sein de l’European Magazine Media Association (EMMA) et de l’European Newspaper Publisher’s Association. A l’inverse, pour Richard Gingras, les nouvelles règles instaurées en France sont dans l’intérêt des internautes, car elles vont empêcher que les résultats de recherche soient faussés par des considérations commerciales. «Nous n’avons jamais payé pour inclure des résultats dans les recherches et nous ne payons pas pour inclure des liens dans les résultats», car «cela saperait la confiance de nos utilisateurs», assure-t-il. En outre, Google se plait à rappeler qu’il aide déjà beaucoup les médias, tout d’abord par l’énorme trafic qu’il apporte à leurs sites, et par ses nombreuses formations, services et programmes de soutien à la presse, comme la Google News Initiative, un fond d’aide à l’innovation.