L1: le litige judiciaire opposant le football français à Canal+ et beIN Sports reprend

183

Le litige judiciaire opposant le football français à Canal+ et beIN Sports sur les droits TV de la Ligue 1 reprend mercredi après plusieurs mois d’accalmie. Attaquée de toutes parts, la Ligue de football professionnel (LFP) a jusque-là toujours été confortée par les tribunaux. Mercredi, Canal+ demande à la cour d’appel de Versailles de l’autoriser à résilier son contrat de sous-licence signé avec beIN Sports, une issue qui obligerait le diffuseur qatarien à diffuser et payer, en plein coeur de saison, 2 matches de Ligue 1 par semaine. Un arrêt qui irait à rebours d’une décision du tribunal de commerce en août. Embourbés depuis près de 18 mois dans cette crise sans précédent de leurs droits audiovisuels, les clubs français vivent sous l’épée de Damoclès des décisions de justice, sans assurances sur le montant des droits, leur 1ère source de revenus, à l’heure où leurs finances ont été durement ébranlées par la pandémie de Covid-19. Le cauchemar dure depuis l’automne 2020, et la défaillance de Mediapro, qui promettait plus de 800 millions d’euros par an pour la majorité des matches des championnats de France. Le groupe sino-espagnol a stoppé ses paiements en pleine saison avant de négocier son retrait du marché, plongeant le secteur dans l’inconnu durant plusieurs mois. Pour le téléspectateur, le brouillard a été dissipé au coeur de l’été 2021 après plusieurs décisions de justice. Pour regarder la Ligue 1 cette saison, un supporter a ainsi besoin de deux abonnements, à Amazon Prime Video, détenteur de 80% des matches dont les 10 meilleures affiches, et à Canal+, contraint par les tribunaux à diffuser et payer les 20% restants. Mais en coulisses, la chaîne cryptée continue de contester une situation qu’elle juge «anti-concurrentielle» et active toutes les procédures légales à sa disposition pour tenter de résilier son contrat… Elle estime payer trop cher, à un prix fixé dès 2018, à l’époque des promesses de Mediapro, qui auraient gonflé artificiellement la valeur du football français. Un prix désormais rendu caduc, selon Canal, par l’incapacité de celui-ci à les respecter. La chaîne du groupe Vivendi s’estime victime d’un «traitement inéquitable» de la LFP: elle ne supporte pas qu’Amazon ait récupéré, en juin dernier, la diffusion des 8 matches par journée de Ligue 1 laissés vacants par Mediapro à prix cassé (250 M EUR annuels), là où Canal doit toujours débourser 332 millions d’euros par an pour ses deux rencontres, ce fameux «lot N.3» attribué dès 2018 à beIN Sports puis sous-licencié à Canal. C’est le coeur de l’audience de mercredi à Versailles, dont la décision est attendue d’ici un mois. Si la chaîne cryptée obtenait gain de cause dans ce rare dossier où beIN et Canal+ sont opposés, la L1 connaîtrait un revirement totalement fou en plein coeur de la saison, car beIN Sports devrait alors diffuser deux matches par week-end, et surtout en supporter le coût. Mais «objectivement, je ne vois pas très bien comment Canal+ pourrait se carapater du contrat de sous-licence», tempère un connaisseur du dossier, pour qui la chaîne cryptée essaie simplement «de décourager la Ligue en multipliant les recours». Cette audience ouvre un semestre judiciaire agité: près d’une dizaine de procédures ont été lancées en tout, beIN Sports et Canal+ agissant main dans la main sur la plupart d’entre elles, sans succès pour le moment. La cour d’appel de Paris, le tribunal judiciaire de Paris et l’Autorité de la concurrence sont notamment saisis de différents pans de l’affaire. Ces recours à répétition, «c’est la stratégie de Vivendi, qui en fait une question de principe. Mais c’est un énorme gâchis», regrette un acteur du football français. Le gâchis est d’autant plus limpide au regard des chiffres: alors qu’il espérait recevoir 1,153 milliard d’euros par an pour la Ligue 1 sur la période 2020-2024 à l’issue de son appel d’offres de 2018, le foot pro tricolore doit désormais vivre avec 624 millions. Et gérer un conflit ouvert avec ses deux diffuseurs historiques.