Le dark web, la zone clandestine d’internet

191

Armes, pédopornographie, drogues, cartes bancaires, logiciels de hacking, projets d’attaques des JO… et refuge contre des régimes totalitaires : bienvenue sur le dark web, la zone clandestine d’internet, un peu dévoilé par une vague d’arrestations aux Etats-Unis et en Europe.

– Peut-on surfer sur le dark web ? Né des mouvements libertaires, ce réseau parallèle a pour principal but l’anonymat. Ses sites et ses forums ne sont pas recensés par les moteurs comme Google ou Bing. Pour y avoir accès, le moteur de navigation TOR permet depuis 2004 de consulter une page… à condition d’en connaître l’adresse en 48 caractères. Car, sur le dark web, n’existe aucun moteur de recherche public. Impossible de taper un mot au hasard pour retrouver un nom.

– Décuplé en cinq ans : «Le dark web, ce sont 110.000 sites actifs. Par rapport aux 1,6 milliard de sites du web en clair (dit «clear web»), c’est tout petit. Mais nous assistons à une massification : il y a 5 ans, on ne recensait que 10.000 sites actifs», explique Nicolas Hernandez, patron d’Aleph Networks, société française qui a développé l’un des seuls moteurs de recherche au monde sur le dark web.

– Boom de la pédopornographie: L’extension du dark web est principalement due à la pédopornographie, qui représente un tiers, voire deux tiers des sites, estime Nicolas Hernandez. «On y trouve aussi beaucoup de sites de vente de drogues, très actifs. Pour les ventes d’armes, nous recensions une dizaine de sites il y a 3 ans, aujourd’hui plus de 200». Les données volées font elles aussi l’objet d’un immense marché. Aleph Networks recense actuellement plus de 1,4 million de numéros de cartes bancaires actives proposées à la vente, des milliards d’e-mail et mots de passe, 12 millions de portefeuilles Bitcoin dérobés, une cinquantaine de grandes places de marché…

– Mafia cyber : Le dark web abrite un écosystème structuré des organisations de cybercriminels. Les sites qui vendent des données de base permettant d’élaborer des mails de phishing (hameçonnage) sont offerts à la vente pour les hackers qui veulent pirater un système. Pour les aides, des sites proposent des logiciels de piratage prêts à l’emploi, vendus ou en échange d’un pourcentage sur les rançons.

– Néonazis et anti-JO : Un mouvement de balancier se produit entre les différentes couches du web. «Plus un Etat met la pression, plus des acteurs vont s’enfoncer dans le dark web. C’est le cas pour la pédopornographie. Cela a été le cas pour Daech. Quand l’Etat relâche la pression, ils remontent sur le web classique, qui leur donne plus d’audience», explique le DG d’Aleph Networks, Victor Raffour. «Nous voyons actuellement des discussions sur des projets d’attaques contre les JO de Paris, qui attirent toute sorte d’hacktivistes. Ils parlent d’attaques sur les caméras, de vols de données des fournisseurs…», avertit Nicolas Hernandez.

– Coup de filet éphémère : Les 288 arrestations effectuées mardi dernier par Interpol et Europol contre des trafiquants de drogue sur internet ont permis de faire chuter une grande plateforme, Monopoly Market. «Mais il faudrait savoir s’il s’agit d’administrateurs du système. Cela risque de ne pas arrêter leur activité car, généralement, les fondateurs se protègent. Difficile de crier victoire, surtout si la plateforme est russe», note Nicolas Hernandez. «On a vu des plateformes se reconstituer en 4 mois. Le dark web a été conçu pour l’anonymat. S’ils ne font pas d’erreur, il sera très difficile de les identifier. Mais il faut que les Etats soient conscients de ce qu’on trouve dans le dark web et s’en occupent, car cette zone devient dangereuse».

Néanmoins, le dark web est aussi un espace de liberté. Lanceurs d’alerte, dissidents, journalistes et tous ceux qui fuient la répression d’un Etat s’y retrouvent, protégés par l’anonymat.