Le palmarès du Festival de Cannes suscite-t-il encore l’intérêt des français ? 

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Swedish film director and President of the Jury of the 76th Cannes Film Festival Ruben Ostlund (4thL) arrives with members of the jury (from) Zambian film director Rungano Nyoni, US actor Paul Dano, French actor Denis Menochet, Moroccan film director Maryam Touzani, French-Afghan writer and film director Atiq Rahimi, Argentinian film director Damian Szifron, French film director Julia Ducournau and US actress Brie Larson for the Closing Ceremony and the screening of the film "Elemental" during the 76th edition of the Cannes Film Festival in Cannes, southern France, on May 27, 2023. (Photo by Patricia DE MELO MOREIRA / AFP)

Le public français s’intéresse-t-il encore au palmarès du Festival de Cannes? Le dernier gros succès d’une Palme d’or remonte à 30 ans. Où est passé l’engouement populaire provoqué par «Le salaire de la peur», «Un homme et une femme» ou «Apocalypse Now» ? 

Palmes de plomb depuis 30 ans : «Pulp Fiction» de Quentin Tarantino est la dernière Palme d’or à avoir rencontré un grand succès populaire en France. Avec 2,86 millions d’entrées, elle s’est classée 8e au box-office des films sortis en 1994, selon le site spécialisé CBO Box Office. Cannes a servi de tremplin à la carrière de ce jeune réalisateur de 31 ans, qui n’avait alors que «Reservoir Dogs» en poche. Et réciproquement, le «faquin» du cinéma – comme le surnommait Godard – va oeuvrer à la légende du Festival. Depuis, aucun film «palmé» n’a atteint le Top 10 du box-office français, alors que douze avaient réussi cet exploit entre 1949 et 1994. Dans la période récente, un seul, le pamphlet «Fahrenheit 9/11» de Michael Moore, s’est classé dans le Top 20. Et la tête d’affiche de la dernière décennie, «Parasite» du Coréen Bong Joon-ho, arrive seulement 26ème au classement 2019 avec 1,94 million d’entrées. Jusqu’à 1994, les Palmes d’or ont attiré en moyenne 1,72 million de spectateurs, contre 812.000 depuis. Soit moitié moins. 

Les heures dorées de la Palme : C’est «Le salaire de la peur» d’Henri-Georges Clouzot, primé en 1953, qui a le plus attiré avec 6,94 millions de spectateurs. Mais ce film explosif appartient à une époque où l’affluence dans les salles obscures était deux fois plus élevée qu’aujourd’hui. A fréquentation égale, «Apocalypse Now» est sans doute le plus gros succès populaire pour une Palme d’or, avec ses 4,54 millions d’entrées. Vainqueur en 1979, la fresque légendaire de Coppola sur la guerre du Vietnam s’est classée 2ème au box-office français et concentré 2,55% des entrées cette année-là. Deux records pour une Palme. C’est ainsi la seule Palme avec «Pulp Fiction» et «La leçon de piano» de Jane Campion (1993) à avoir représenté plus de 2% des entrées totales de l’année. A titre de comparaison, le champion toutes catégories des entrées, «Titanic» a concentré en 1998 12% des billets vendus. Proportionnellement moins élevées, les entrées d’»Un homme et une femme» de Lelouch (4,27 millions en 1966), du «Guépard» (3,65 millions en 1963) ou encore de «Taxi Driver» (8e au box-office de 1976 avec 2,69 millions d’entrées) font désormais rêver. 

Palmes confidentielles : De manière générale, les Palmes d’or sont rarement populaires. Depuis 1949, sur les 82 films primés, 42 n’ont pas atteint le Top 50 au box-office français. Dix-neuf sont même restés aux portes du Top 100. Qui se souvient de «La parole donnée» du Brésilien Anselmo Duarte, primé en 1962, 228e film au box-office avec 204.000 entrées ? Ou encore des «Meilleures intentions» (1992) de Bille August, qui tient le record du plus petit nombre de spectateurs (92.000)? Une gifle pour ce scénario autobiographique d’Ingmar Bergman. Ces dix dernières éditions, l’impopularité a été au zénith : huit Palmes sur dix n’ont pas intégré le Top 50. Les deux dernières, le métallico-érotique «Titane» (2021) et la satire «Sans filtre» (2022), dont les réalisateurs respectifs, Julia Ducournau et Rüben Ostlund sont au jury de l’édition 2023, n’ont attiré qu’un public averti et peu nombreux. – Haneke contre 007 – Cannes préférant les films d’auteurs, ses Palmes d’or ne concourent pas dans la même catégorie que les productions à gros budgets, stars des box-offices.