«Le Péché» : Konchalovsky dévoile un Michel-Ange habité par le génie créateur, mais caractériel et crasseux

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Un Michel-Ange habité par le génie créateur, mais caractériel et crasseux: le réalisateur russe Andreï Konchalovsky a dévoilé dimanche à Rome, «Le Péché», tourné en Italie avec notamment de magistrales scènes dans une carrière de marbre. «Ce n’est pas un «biopic», mais une vision sur des moments chaotiques de sa vie», a expliqué le cinéaste, avant une projection lors du Festival de cinéma de Rome en avant-première mondiale. Son propos n’est pas de suivre les coups de burin de Michel-Ange ni de voir émerger ses chefs-d’oeuvres, une approche cinématographique classique mais «ennuyeuse». «Il avait un caractère terrible, aimait l’argent, était pingre, faisait les choses un peu à l’italienne, il était donc profondément humain. Je veux qu’on sorte du film en se disant qu’on connaît cet homme», ambitionne Andreï Konchalovsky, qui a tenté de percer l’âme de l’artiste en lisant ses lettres et poèmes, ainsi que les écrits des historiens. Le film a été conçu comme une «vision», un genre populaire du Moyen-âge qui a culminé avec «La Divine Comédie» de Dante (1265-1321), et pousse à de multiples interprétations des personnages et des événements, explique le réalisateur et co-scénariste. Son Michel-Ange (1475-1564), échevelé, barbu, les mains sales, les ongles cassés, les cheveux pleins de poussière – interprété par Alberto Testone choisi pour sa ressemblance physique et totalement habité par son personnage exalté – connaît d’ailleurs par coeur une partie du livre de Dante, «L’Enfer». «J’ai voulu montrer non seulement l’essence de Michel-Ange, mais également les couleurs, les odeurs et les saveurs de son époque, sanglante et cruelle, mais pleine d’inspiration et de beauté», précise encore Andreï Konchalovsky. Son dernier opus «Paradis» – 3 destins croisés confrontés aux horreurs de la guerre et des camps de concentration nazis – lui avait permis de remporter un 2ème Lion d’Argent à la Mostra de Venise en 2016. «Le Péché» – co-production russo-italienne présentée hors sélection officielle dimanche à la Fête du cinéma de Rome – a été tournée pendant 14 semaines en Toscane et dans le nord du Latium (région de Rome) avec 14 millions d’euros de budget. Il recrée une saisissante Italie de la Renaissance, très éloignée des images idéalisées des fictions habituelles. Le film plonge dans les odeurs puissantes des tavernes ou des maisons, grouillant d’animaux de ferme. On y découvre la vie âpre dans lequel évolue l’artiste, malmené par deux familles nobles rivales et leurs papes, qui lui jettent des sacs de pièces, exigent son exclusivité et le poussent à accélérer la cadence de ses interminables créations. «La poésie du film provient de l’entrelacement de la barbarie – omniprésente à l’époque – et l’extraordinaire capacité de l’oeil humain à capturer l’éternelle beauté du monde», décrit le cinéaste. Le film démarre au début du XVIè siècle à Florence. Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange, est réduit à la pauvreté et épuisé par son combat pour terminer le plafond de la chapelle Sixtine. Son commanditaire et chef de la famille Della Rovere, le pape Jules II, meurt et Michel-Ange devient obsédé par l’idée de trouver le meilleur marbre pour achever son tombeau. Mais le pape suivant, Léon X de la famille rivale des Médicis, lui passe commande de la façade de la basilique San Lorenzo. Obligé de mentir pour conserver les faveurs des 2 familles, le peintre-sculpteur-architecte est progressivement tourmenté par la peur et des hallucinations frôlant la folie, qui le poussent à faire un examen de sa morale et de son oeuvre. Dans cette fresque d’un somptueux esthétisme, on suit surtout Michel-Ange qui part 5 ans à Carrare à la recherche du marbre du tombeau du pape Jules II.