Le projet de loi sur le renseignement définitivement adopté

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Le Parlement a adopté définitivement mercredi soir, par un ultime vote de l’Assemblée, le projet de loi controversé sur le renseignement, défendu notamment au nom de la lutte antiterroriste par le gouvernement mais qui légalise des pratiques contestables des services selon ses détracteurs. Ce vote intervient le jour même où ont été révélés, par des documents Wikileaks publiés par «Libération» et Mediapart, les pratiques des services secrets américains qui ont écouté pendant des années les présidents français. Le projet de loi, qui encadre pour la 1ère fois les activités des services de renseignement en France, ne traite cependant pas de cet aspect de l’espionnage à l’étranger. Les députés ont adopté le texte dans les mêmes termes que les sénateurs mardi en adoptant un amendement du gouvernement supprimant une disposition permettant de surveiller les étrangers de passage en France sans saisir l’instance de contrôle.La disposition contestée avait été introduite à la demande du rapporteur du texte à l’Assemblée, le socialiste Jean-Jacques Urvoas, lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui a abouti à un accord entre les deux chambres. 

Le projet de loi définit les missions des services de renseignement (de la prévention du terrorisme à l’espionnage économique), ainsi que le régime d’autorisation et de contrôle des techniques d’espionnage (écoutes, pose de caméra ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc.).  Selon Manuel Valls, ce texte permettra aux services de renseignement d’être «le plus efficaces possible face à la menace terroriste mais aussi dans la lutte contre la grande criminalité ou contre l’espionnage économique». Face à la controverse suscitée par ce texte, critiqué par de nombreuses ONG, syndicats de magistrats et de journalistes notamment, François Hollande avait annoncé par avance qu’il saisirait lui-même – fait inédit – le Conseil constitutionnel, au terme de la navette parlementaire, pour apporter la «garantie» que ce texte est «bien conforme» à la Constitution.Des députés Les Républicains (LR), écologistes, Modem et Front national ont défendu ensemble devant la presse mercredi le recours que vont déposer de leur côté une centaine de parlementaires. 

Ce texte risque d’aboutir «à une surveillance de masse» dangereuse pour les libertés et qui «n’est pas le meilleur moyen de combattre le terrorisme», a déclaré Pierre Lellouche (LR), un des élus à l’origine de cette initiative avec Laure de la Raudière (LR). En 1ère lecture, les élus Front de Gauche avaient voté contre, tout comme une majorité du groupe écologiste. Ils relayaient ainsi les craintes de la Cnil (Comission nationale de l’informatique et des libertés), du Défenseur des Droits Jacques Toubon, de syndicats de magistrats ou d’acteurs du numérique, sur les pouvoirs «exorbitants» donnés aux services. Un point en particulier a cristallisé les débats: la mise en place, sur les réseaux des opérateurs, d’outils d’analyse automatique (un algorithme) pour détecter par une «succession suspecte de données de connexion» une «menace terroriste», un dispositif qualifié de «boîte noire» par ses détracteurs qui le comparent aux pratiques de «surveillance généralisée» de la NSA américaine. En revanche, le rapporteur met en avant le renforcement du contrôle des services avec la création d’une «Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement». Elle donnera un avis préalable à chaque mise en oeuvre de ces techniques, sauf en cas d’urgence, et pourra saisir le Conseil d’État en cas d’abus.