Le projet européen de Mediaset validé, mais Vivendi annonce son intention de le contester

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Les actionnaires du groupe de télévision italien Mediaset ont validé mercredi son projet européen, mais le géant français Vivendi a annoncé son intention de le contester en justice, estimant qu’il viole le droit des actionnaires minoritaires. Le groupe italien, dont la famille Berlusconi est le principal actionnaire, va fusionner ses activités italiennes et espagnoles au sein d’une holding de droit néerlandais, Media For Europe (MFE). Son objectif: fédérer ensuite autour de MFE d’autres grands acteurs européens de la télévision, afin de pouvoir rivaliser avec les géants du web, de Netflix à YouTube. Cette holding permettra aussi aux Berlusconi de renforcer leur contrôle sur le groupe, avec des votes triplés d’abord, puis jusqu’à multipliés par dix après un certain délai. Pour être validée, la fusion devait être approuvée par les deux tiers du capital présent lors de l’AG extraordinaire réunie à Cologno Monzese. Elle l’a été par 78,18% – sachant que Fininvest, la holding des Berlusconi, détient à elle seule 45,89% des droits de vote.Vivendi, 2ème actionnaire, a voté contre ce projet. Il avait été autorisé samedi par la justice à voter, après avoir été exclu par Mediaset lors d’une précédente AG, mais, fort de seulement 9,99% des droits de vote, il n’a pu faire pencher la balance. Le CA de Mediaset a refusé mercredi de laisser voter Simon Fiduciaria, la société fiduciaire à qui Vivendi – également actionnaire de Telecom Italia – a dû transférer quelque 20% des droits de vote pour respecter la loi sur la pluralité des médias. Le CA a argué que les actions avaient été acquises en violation de cette loi. L’AG «est illégale» en raison du refus de laisser Simon Fiduciaria voter, a déclaré la directrice juridique de Vivendi, Caroline Le Masne de Chermont. Elle a assuré que le projet européen de Mediaset n’avait «pas d’objectif industriel clair», et qu’il aurait pour conséquence d’«annihiler les droits des actionnaires minoritaires» tout en permettant à «Fininvest de contrôler toutes les décisions prises au sein de l’entreprise». «Vivendi utilisera tous les recours juridiques possibles dans tous les pays et toutes les juridictions concernées pour contester la légalité du projet», a averti le groupe de Vincent Bolloré. Les actionnaires de Mediaset Espana doivent s’exprimer à 10h00 GMT, mais l’issue du vote, positif, ne fait pas de doute. «C’est un paradoxe», a commenté Carlo Alberto Carnevale-Maffè, professeur de stratégie à l’université Bocconi de Milan: Vivendi vote «contre un projet industriel né en fait avec lui et qui reprend ses propres idées: car c’est pour cela qu’il avait scellé une alliance avec Mediaset». En avril 2016, les deux groupes annoncent en effet la signature d’un «accord stratégique», prévoyant le rachat de la chaîne payante Mediaset Premium par Vivendi et un échange de participations à hauteur de 3,5%. Un des objectifs: lancer une plate-forme de contenus susceptible de concurrencer Netflix.  Mais en juillet 2016 Vivendi dénonce le contrat et s’empare, au terme d’un raid qualifié d’«hostile» par les Berlusconi, de 28,8% de Mediaset en décembre. Depuis, les 2 groupes sont à couteaux tirés et s’affrontent devant les tribunaux. Le projet de Mediaset – qui dit avoir eu des contacts avec TF1 en France 2 et avec l’allemand ProsiebenSat, dont il détient 9,6% du capital – est «nécessaire». Les entreprises nationales de médias ne peuvent survivre seules dans le contexte mondial actuel», note M. Carnevale-Maffè. Un moyen pour Vivendi de faire échec au projet serait d’exercer son droit à se faire racheter ses actions. MFE serait en effet annulé si Mediaset se retrouvait à devoir rembourser au-delà de 180 millions d’euros d’actions, au prix fixé à 2,77 euros l’une. Mais, pour le géant français, la moins-value serait considérable, de l’ordre de 300 millions d’euros. Dans ces conditions, une source a estimé que Vivendi ne le ferait pas.