Diamants ou bitcoins, mais aussi places de parking, vinaigre balsamique… Les escroqueries sur internet connaissent une forte augmentation, causant chaque année au moins des dizaines de millions d’euros de préjudice aux particuliers. Pour les associations de victimes, le procès «Carton rouge», qui se tient à Nancy depuis le 21 octobre, illustre le fléau des réseaux bien rodés qui dupent des consommateurs après les avoir appâtés sur Internet. Les plaidoiries des quelque 150 avocats des parties civiles, représentant plus de 850 victimes, doivent débuter cette semaine. Au total, 28 millions d’euros de préjudice et plus de 1.300 victimes ont été piégées par le même réseau, qui s’en est pris aussi par téléphone à des clubs de football. Des informaticiens ont notamment été mis en cause pour avoir créé une trentaine de sites destinés à berner leurs proies. Mais il en existe des milliers, qui servent de support à des escroqueries, explique Guy Grandgirard, président de l’Association de défense des consommateurs (ADC). Le principe est simple: le site attire le consommateur par des rendements intéressants, ou des fausses promesses. Lorsque ce dernier manifeste son intérêt, il est rappelé par un faux conseiller commercial, rémunéré à la commission. C’est ce qu’a vécu Marie-Bernadette Holmaert, infographiste à la retraite, qui a souhaité, il y a sept ans, «suite à une petite rentrée d’argent», l’investir. Elle choisit le site frauduleux «bluediams». Prudente, elle raconte avoir vérifié en ligne: «La société existait bien, elle était immatriculée en France, donc il n’y avait pas de souci». Alors elle rappelle «le gentil monsieur», comme elle le décrit amèrement a postériori. Elle place 10.000 euros, en trois fois. «J’avais un lien sur mon compte sur le site, où je pouvais suivre l’évolution. C’était vraiment bien fait». Serge Cardis, retraité lui-aussi, a suivi le même schéma, sur un site d’investissement dans les cryptomonnaies. «Au début, j’étais frileux, je faisais de petits placements», raconte-t-il. Il réussit à récupérer une partie de l’argent investi, ce qui le met en confiance. Il place ainsi 70.000 euros. Ces deux victimes se sont rendu compte de la supercherie des mois plus tard, en voulant récupérer tout ou partie des sommes investies: l’interlocuteur mielleux devient soudain agressif ou disparaît totalement. S’en suit une période de «honte», de «colère», des ennuis financiers avec «70 euros restants chaque mois pour manger», confie Mme Holmaert. «Ça a touché (les victimes) à l’intérieur. Moralement. Elles ont été dupées par des personnes avec qui elles avaient correspondu pendant un certain temps, avant de se rendre compte que c’était faux», souligne l’avocat Gaël Collin, dont le cabinet représente une centaine de victimes. «On a des victimes qui sont aujourd’hui en dépression», abonde Anne-Sophie Gavriloff, porte-parole de la fédération France Victimes. «Certains ont tout perdu, ils ont une vraie détresse». Peu de victimes du dossier «Carton Rouge» ont fait le déplacement à Nancy, où elles n’étaient qu’une dizaine les premiers jours de l’audience. Mais des membres de France Victime étaient présents, en chasuble bleue, prêts à les recevoir dans une salle à disposition pour les rassurer ou leur expliquer la procédure. Les associations s’inquiétent de «l’explosion» du nombre d’escroqueries en ligne, selon M. Grandgirard. L’ADC a été saisi en 2022 par des consommateurs pour une perte totale de 48 millions d’euros. Un chiffre passé à 62 millions en 2023 et déjà, au 25 octobre 2024, à 78 millions. Le procès de Nancy s’intéresse à des escroqueries commises entre 2016 et 2018. Depuis, «on a vu apparaître de nouveaux modes de fonctionnement» avec des «hypermarchés de l’arnaque», proposant tout type de services ou de biens (…)», dit-il. L’ADC a dressé une liste noire et réalisé des enquêtes contre ces sites frauduleux, consultable en ligne. L’association recommande de refuser de donner le moindre centime sans rendez-vous physique avec les conseillers.