L’interdiction de TikTok dans le Montana, casse-tête technique et juridique

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Le Montana a interdit TikTok à partir du 1er janvier 2024, et d’autres Etats américains pourraient suivre, mais entre recours légaux et barrières techniques, la loi a peu de chances d’être vraiment appliquée.

Le texte adopté en avril et promulgué mercredi dernier par le gouverneur républicain de cet Etat du nord-ouest «est tellement inconstitutionnel que c’en est risible, et tellement difficile à mettre en oeuvre que c’en est comique», a résumé jeudi Evan Greer, la directrice de l’ONG Fight for the Future.

TikTok appartient au groupe chinois ByteDance, et de nombreux élus américains pensent que la plateforme de vidéos courtes et divertissantes, fréquentée par 150 millions de personnes aux Etats-Unis, permet à Pékin d’espionner et de manipuler les utilisateurs. L’application l’a toujours nié.

La nouvelle loi ordonne aux magasins d’applications mobiles (Apple et Google) de ne plus distribuer TikTok à partir du 1er janvier 2024. Les entreprises concernées risquent des amendes de 10.000 dollars par jour à chaque infraction, mais les utilisateurs ne seront pas inquiétés. «N’importe quel adolescent fan de mangas japonais ou fondu de séries télévisées britanniques peut vous dire comment contourner une interdiction aussi stupide en utilisant un réseau virtuel privé (VPN)», a ajouté Evan Greer dans un communiqué. Un argument que des élus démocrates du Montana avaient déjà formulé pendant les débats. Zooey Zephyr, notamment, avait souligné que les habitants pourront quand même télécharger l’application simplement en se rapprochant de la frontière avec les Etats voisins ou en utilisant un VPN qui permet d’accéder à internet depuis une autre localisation.

Selon Michael Daniel, le directeur de Cyber Threat Alliance, une ONG de cybersécurité, la loi ne répond pas à deux questions essentielles. Elle ne précise pas ce qu’il adviendra des utilisateurs ayant déjà TikTok sur leur téléphone, si ce n’est qu’ils ne pourront plus, en théorie, mettre à jour l’application. Et elle n’explique pas comment identifier avec certitude les habitants de cet Etat peu peuplé. «Il n’y a pas de moyens pour le Montana de repérer les téléchargements de TikTok sans donner toutes sortes de nouveaux pouvoirs au gouvernement», assure-t-il.

«TikTok pourrait traquer la géolocalisation des utilisateurs, mais ce serait répréhensible en matière de confidentialité des données pour toutes les personnes sur la plateforme», indique de son côté Jason Kelley, de l’Electronic Frontier Foundation, une ONG de protection des libertés sur internet.

Associations et experts s’étonnent que les élus américains qui accusent principalement TikTok de servir de cheval de Troie au Parti communiste chinois semblent prêts à recourir à des méthodes autoritaires. Le seul moyen pour le parlement du Montana d’appliquer sa loi serait de «suivre l’exemple chinois et de surveiller tous les téléphones de tout le monde dans l’Etat. Il faudrait qu’ils construisent la Grande Muraille informatique du Montana», commente ainsi Tara Wheeler, patronne de Red Queen Dynamics, une entreprise de cybersécurité.