L’intérêt des Français pour l’actualité historiquement bas

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L’intérêt des Français pour l’actualité n’a jamais été aussi bas, et la confiance envers les médias reste à des niveaux historiquement faibles, montre le baromètre annuel réalisé par Kantar pour le quotidien «La Croix», publié mercredi. Selon cette enquête, seuls 59% des Français disent suivre l’actualité avec un intérêt «assez grand» ou «très grand» (contre 41% qui déclarent un intérêt «très faible» ou «assez faible»), un niveau en recul de 8 points par rapport à l’an dernier. Cette chute, jamais enregistrée depuis le lancement du baromètre en 1987, confirme une tendance à l’oeuvre depuis quelques années : l’intérêt des Français pour l’information a dégringolé après un pic de 76% atteint en 2015 (en pleine vague d’attentats), qui était proche de son record absolu (77% en 1993). Quant à la confiance envers les médias, qui avait touché le fond l’an dernier, elle reste à des niveaux extrêmement faibles. Comme l’an dernier, seuls 50% des Français jugent que les infos diffusées à la radio sont crédibles, un niveau historiquement bas. La confiance dans la télévision remonte de 2 points mais reste bien maigre, à 40%, tout comme celle envers la presse écrite (+2 points à 46%). Enfin, la confiance dans les infos sur internet (mesurée par le baromètre depuis 2005), retrouve son plus faible étiage à 23% (-2 points), loin de son sommet à 39% atteint en 2015. Des chiffres qui ont de quoi inquiéter des médias confrontés régulièrement à la forte défiance des citoyens. «La défiance à l’égard des médias, on s’en aperçoit tous les jours sur le terrain, et dans les réactions de nos téléspectateurs et internautes», mais «ce qui m’impressionne le plus, c’est le désintérêt des jeunes générations pour l’information délivrée par les médias», a confié Valérie Nataf, directrice de la rédaction de LCI. Un phénomène qui semble lié en partie à la multiplication des canaux d’information (démultipliés par les réseaux sociaux) et à des infos souvent anxiogènes, qui peuvent générer un rejet chez certains internautes, lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. Le fonctionnement souvent moutonnier des médias est également pointé : selon le baromètre, les Français déplorent la surmédiatisation de certains sujets, comme l’incendie de Notre-Dame de Paris, au détriment de problématiques comme la crise climatique et les violences conjugales. Pour Vincent Giret, patron de la radio publique franceinfo, cette défiance s’est accélérée avec «la crise des gilets jaunes», un événement «qui reste dans la mémoire historique de nos rédactions, (…) comme un acte de défiance et même de violence physique avec les journalistes qui ont été très malmenés sur le terrain». Un constat qui pousse les professionnels des médias à s’interroger sur les solutions potentielles. «La vraie question, c’est : qu’est ce qu’on fait une fois qu’on a vu tout ça ?», souligne François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef de «Ouest-France». Parmi les pistes déjà mises en oeuvre, outre le développement de l’éducation aux médias, la lutte contre la désinformation sur les réseaux sociaux, et une plus grande présence des médias traditionnels sur le numérique (canal d’information privilégié pour les jeunes), l’heure est de plus en plus au dialogue entre les rédactions (qui se sont longtemps recroquevillées par réflexe corporatiste lorsqu’elles étaient critiquées) et les citoyens. De nombreux médias s’y sont mis, en particulier depuis le mouvement des gilets jaunesr. Cette initiative, «Médias et citoyens», débouchera sur des engagements concrets en février. Autre idée, qui divise énormément la profession mais fait son chemin: la constitution d’une instance de déontologie qui pourrait servir d’arbitre et de médiateur entre médias et citoyens. Malgré des critiques toujours vives, un «Conseil de déontologie journalistique et de médiation» (le CDJM) a été créé en décembre, avec le soutien de certains syndicats, collectifs de journalistes et organisations professionnelles, et il a tenu mardi sa 1ère réunion de travail.