«Maintenant»: un ovni cinématographique francophone

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Un long métrage en un seul plan séquence, sans montage, ni coupe: la prouesse, autant technologique qu’artistique, vient de se réaliser dans les Vosges, où le réalisateur Michael Castellanet a tourné un ovni cinématographique, «Maintenant», emmené par le comédien Jean-Claude Dreyfus. «Tout est fait en direct», promet le metteur en scène de cette toute petite production (17.000 euros), largement auto-financée par l’équipe, tout aussi modeste (20 personnes), et qui espère que le produit fini convaincra les distributeurs. «Pourquoi en un seul plan séquence? Parce que la proposition artistique m’intéressait», coupe court Michael Castellanet, qui se défend d’un simple théâtre filmé, «ou alors quelque chose à 360°, qui alterne plans larges et gros plans», et qui s’autorise, entre autres fantaisies, une scène à cheval et une autre dans un pick-up. 

L’intrigue de «Maintenant», qui convoque 5 personnages, s’articule autour d’un couple d’anciens amants qui se retrouve après 12 ans d’absence dans la campagne de leur enfance, tiraillés par leurs mensonges et perdus dans des secrets de famille. Dans l’ancienne manufacture royale de Bains-les-Bains, un décor situé dans les Vosges thermales où se côtoient maison de maître, écuries et un vaste parc champêtre, l’audace du film a d’abord été technique. Le cadreur préposé à la seule caméra du plateau, une steadicam qui permet des travellings stables et fluides, est devenu souffre-douleur consentant, «obligé de me faufiler entre les murs et de me contorsionner autant que possible», pour suivre les protagonistes sur les 2.500 m2 de terrain de jeu, qui alterne intérieurs et extérieurs, explique l’opérateur Alexandre Viollaz. «Pour la captation du son, nous avons dû planquer des antennes relais partout dans le domaine», poursuit l’ingénieur du son, Stéphane Gessat, qui doit jongler entre perche et micro-cravate, alors que le réalisateur s’est interdit de doubler le moindre dialogue. Les contraintes ne sont pas forcément du goût du comédien Jean-Claude Dreyfus, qui ne cachait pas son «angoisse la plus totale» à quelques heures de la 1ère prise. «Quand ils sont venus me chercher pour ce film, j’ai tout de suite dit non. Ils m’ont forcé!», sourit – à peine – l’acteur qui joue Raphaël, l’inquiétant et étrange patron de la manufacture, et qui rappelle que ses «amis (le) prennent pour un cinglé d’avoir accepté un tel projet». Certes l’acteur est un habitué des projets alternatifs et des longs plans séquence, notamment dans «L’Anglaise et le duc» d’Eric Rohmer (2001), «mais cela durait 6’, et non 90, et j’avais 2 mois pour répéter!», rappelle-t-il. Il n’aura finalement fallu que 3 prises à l’équipe, au terme de plusieurs jours de répétition, pour que Michael Castellanet, qui joue également le 1er rôle, soit satisfait, et choisisse la dernière des prises. «Il n’y aura pas de post-production: ce qu’on veut, artistiquement, c’est de ne tricher sur rien, que les émotions ne soient pas coupées», explique celui qui est passé par le Cours Florent mais qui revendique également un «autoapprentissage». Il s’était fait notamment remarquer avec un court métrage en 2011, «Les âmes pixellisées», déjà avec Jean-Claude Dreyfus, ainsi qu’Anny Duperey et Bernard Lecoq. «Maintenant», qui a nécessité un an de préparation, pourrait être projeté dès la fin de l’année en salles et deviendrait le 1er film francophone tourné en un seul plan séquence. Dès 1948, Alfred Hitchcock avait tenté de réaliser un tel projet avec «La corde» mais, les bobines de film de l’époque ne dépassant pas les 10’, le cinéaste avait réuni huit plans séquences avec des coupes invisibles. Le développement de la vidéo numérique avait finalement permis une 1ère expérience, en 2002, avec le film russe «L’Arche russe», seul précédent connu dans l’histoire du cinéma.