Nicaragua : le parlement adopte une loi punissant de prison les «fake news»

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Le parlement du Nicaragua a approuvé mardi une loi punissant la propagation de «fausses nouvelles» de peines pouvant aller jusqu’à cinq années de prison, une loi dénoncée par l’opposition qui y voit un instrument de «répression». Le texte a été adopté par 70 voix provenant des députés du Front sandiniste de libération nationale (FSLN, au pouvoir), alors que 16 députés d’opposition au président Daniel Ortega se sont prononcés contre, y voyant une «loi bâillon» et soulignant que le pouvoir s’érige désormais en seul juge de la vérité. «C’est terminé pour les menteurs, ceux qui participent à l’industrie du mensonge sur les réseaux sociaux, ceux qui fabriquent et diffusent de fausses informations qui créent le trouble, la peur et l’angoisse, qui affectent la stabilité économique et l’ordre public», s’est félicité le député du FSLN Emilio Lopez. La loi rend passible de quatre ans de prison la «propagation de fausses nouvelles», la sanction pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison si celles-ci «incitent à la haine et à la violence». Si «l’information déformée» porte atteinte à l’honneur d’une personne ou d’une famille, elle sera passible d’une peine d’un à trois ans de prison, prévoit le texte. La sanction pourra aller jusqu’à 10 ans de prison en cas «d’espionnage informatique». «On ne va plus permettre les appels à la haine (…) au chaos via un moyen de communication», s’est exclamé M. Lopez. La loi, a-t-il averti, sera notamment appliquée contre ceux qui demandent des élections anticipées, une des principales revendications de l’opposition lors du soulèvement populaire du printemps 2018 contre le gouvernement du président Ortega. Le député sandiniste a ajouté que la loi visait également ceux «qui ont dit que des milliers et des milliers de nicaraguayens ont été contaminés (par le coronavirus) et que des milliers en sont morts». Des réseaux indépendants de médecins et de citoyens ont encore récemment mis doute les statistiques officielles faisant état au Nicaragua (6,2 millions d’habitants) de plus de 4.900 cas avérés, dont 147 morts. Les sources indépendantes comptabilisent au moins 10.258 cas suspects, et 2.721 morts qui pourraient être dus au nouveau coronavirus. C’est une loi «orientée contre l’opposition» et qui va «enflammer le climat de répression, a dénoncé de son côté Azucena Castillo, députée membre du parti d’opposition de droit, le Parti Libéral Constitutionnaliste (PLC).Elle vise «à réprimer ceux qui pensent que le gouvernement s’est engagé dans une mauvaise voie», s’est également indigné le président du groupe parlementaire du PLC, Maximino Rodriguez. Pour l’opposition au président Ortega, la loi contre les fausses nouvelles ainsi que celle cataloguant comme «agent étranger» toute personne ou entité recevant des subsides de l’extérieur, approuvée il y a deux semaines, ont pour but de contrôler et réprimer les adversaires politiques du président Ortega. Le ministère de l’Intérieur, la police et l’entreprise publique de télécommunications Telcor sont chargés d’enquêter et de poursuivre les délits prévus par la loi et de présenter leurs auteurs présumés à la justice. Outre les fausses nouvelles, cette loi sanctionne notamment le harcèlement sur les réseaux sociaux, la manipulation de données, les fraudes informatiques, la révélation d’informations classifiées et la révélations d’informations personnelles sensibles. Les juges pourront autoriser la police à accéder aux données informatiques des suspects et obliger les fournisseurs d’accès à internet à fournir les données d’un suspect. La loi s’appliquera aussi bien aux faits commis à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national : une disposition qui vise les exilés qui militent sur les réseaux sociaux ou sur internet contre le gouvernement, selon l’opposition.