Pierre SIRACUSA : (France TV Animation) «Nous vivons l’âge d’or de l’animation française»

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Pierre SIRACUSA, Directeur délégué à l’animation de France Télévisions

Avec 605 millions de vidéos vues tous supports numériques en 2015, l’offre délinéarisée jeunesse du groupe France Télévisions est en constante augmentation. Premier partenaire et premier investisseur de l’animation européenne avec 29 millions d’euros budgétés en animation, le service public redouble d’efforts pour proposer en 2016, 20 nouvelles productions françaises. Les détails avec Pierre SIRACUSA, Directeur délégué à l’animation de France Télévisions, interrogé hier midi dans le cadre d’un déjeuner presse.

MEDIA +

Le secteur de l’animation en France monte-t-il en puissance ?

PIERRE SIRACUSA

Je vous le confirme ! Nous sommes dans l’âge d’or de l’animation française. Pourtant, il s’agit d’un secteur relativement récent qui s’est réellement constitué dans les années 1990. Nous disposons d’un tissu de producteurs qui est globalement le même depuis la structuration du secteur, aujourd’hui arrivé à maturité. Non seulement les outils technologiques ont beaucoup évolué depuis le début des années 2000, mais le savoir-faire des producteurs ainsi que le modèle économique sont toujours mieux soutenus par les institutions, les régions et les diffuseurs. En animation, si la France est l’un des pays les plus performants, c’est grâce aux talents de ses artistes. Les écoles d’animation françaises sont d’ailleurs les plus réputées au monde.

MEDIA +

Quel est l’impact des nouvelles aides du CNC sur les œuvres d’animation?

PIERRE SIRACUSA

Le CNC a mis à disposition des aides financières destinées à la création originale, au développement, au contenu numérique ainsi qu’à la relocalisation des productions. Le CNC accompagne à peu près tout l’écosystème autour de la production d’animation. Ces aides ont un impact direct sur les propositions que les producteurs nous font. Le lancement d’une production comme «Grizzy & Les Lemmings» (78X7’ – Studio Hari) coproduite pour 7 à 8 millions d’euros par Cartoon Network au niveau mondial avec la participation de France Télévisions, aurait été impensable il y a encore cinq ans. Il existe aujourd’hui des producteurs suffisamment pointus pour produire eux-mêmes leur propre R&D. Nous sommes sur des rendus qui sont assez proches des longs-métrages de cinéma. L’enjeu est de faire en sorte que ces éléments soient au service de la création et de la créativité. Nous sommes en train d’y arriver.

MEDIA +

Quelle est la tendance de votre grille jeunesse en 2016 ? 

PIERRE SIRACUSA

Nous sommes face à deux problématiques. La 1ère est de satisfaire les envies d’un public en lui faisant retrouver des héros qui lui sont proches et qu’il a découverts par le biais de la BD ou du jeu vidéo. C’est le cas respectivement de «Boule & Bill» (52X13’ – Ellipsanime Productions/Dargaud Media) diffusé dès le 23 janvier sur France 3, et des «Lapins Crétins» (78X7’ – Ubisoft Motion Pictures) saison 3. Les téléspectateurs connaissent suffisamment bien ce type de personnages pour qu’on puisse aller beaucoup plus loin dans la profondeur des histoires. Ces locomotives servent aussi à amener un public vers de la création originale. C’est le cas notamment de «En sortant de l’école» (13X3’ – Tant Mieux Prod) pour un traitement singulier de la poésie.

MEDIA +

Revendiquez-vous une diversité des formats ?

PIERRE SIRACUSA

Oui, c’est le cas. Nous n’allons pas nécessairement sur des «reboots» car ils ont été très exploités par M6 et TF1. On constate également une raréfaction des 26’.

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Vous lancez bientôt une série hybride mélant animation et fiction. Pourvez-vous nous en parler?  

PIERRE SIRACUSA

Avec «Les 7 nains et moi» (26X26’ – Method Animation) qui mêle animation et fiction, nous franchissons en effet ce pas. Le modèle du «tout animation» qui a été le nôtre ces quinze dernières années, n’est plus trop possible aujourd’hui. L’hybride nous permet de réintéresser des populations de plus de 8 ans, qui ont tendance à non pas déserter complétement le dessin-animé, mais à le considérer comme une approche un peu régressive.

MEDIA +

Comment budgétisez-vous les nouveautés et les renouvellements de séries ?

PIERRE SIRACUSA

Il n’y a pas de préméditation. Cette année, il y a un équilibrage budgétaire à 50/50 entre les reconductions et les nouveautés. Après, nous naviguons à vue en fonction de la réussite des premières saisons et de nos besoins futurs. Pour n’importe quel diffuseur, l’enjeu est de proposer les séries les plus «mainstream» quotidiennement. Cela signifie au minimum 2 à 3 saisons. Et nous finançons en moyenne à hauteur de 30% du budget d’une série d’animation. Cet apport ouvre la voie au CNC qui fournira 20 à 25% du budget. Sans oublier les aides régionales et les éventuels crédits d’impôts. Au final, le producteur réunit bon an, mal an, entre 50 et 60% de son budget sur le territoire français. Après, il faut rechercher au minima, 40% de financement à l’international.

MEDIA +

Animation et international, deux éléments qui font la paire ?

PIERRE SIRACUSA

Il y a des projets entièrement tournés vers l’international, d’autres plutôt franco-français, et certains qui vont se financer avec des territoires ayant une communauté culturelle commune à la nôtre. Il est évident qu’une série comme «Titeuf» (75X7’ – GO-N Production), très franco-suisse, s’exporte moins que «Les Pyjamasques» (FrogBox), série d’action/aventure pour préscolaires.