Radio France/ Mathieu Gallet : Mme Nyssen durcit le ton

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La ministre de la Culture Françoise Nyssen a durci le ton face au patron de Radio France Mathieu Gallet mardi, l’appelant à «tirer les conséquences» de sa condamnation pour favoritisme, sur fond de projet de réforme de l’audiovisuel public. «Les dirigeants d’entreprises publiques ont un devoir d’exemplarité. Un dirigeant d’entreprise publique condamné pour favoritisme, ce n’est pas une situation acceptable. Il appartient à l’intéressé d’en tirer les conséquences, ainsi qu’au Conseil supérieur de l’audiovisuel, légalement compétent», a déclaré la ministre au journal «Le Monde». Mathieu Gallet a été condamné par le tribunal correctionnel de Créteil lundi à un an de prison avec sursis et à une amende de 20.000 euros pour «favoritisme» lorsqu’il dirigeait l’INA (2010-2014). Une condamnation dont il a fait appel.Dans un premier temps, la ministre avait simplement rappelé «son attachement au respect des règles de la commande publique et à l’exemplarité des dirigeants des établissements et des entreprises publiques» et renvoyé la responsabilité vers le CSA. «La loi en vigueur donne aujourd’hui au seul Conseil supérieur de l’audiovisuel le pouvoir de nommer et de défaire les mandats des dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public», avait-elle indiqué dans un communiqué lundi soir. Mardi, Mme Nyssen a précisé que «cette condamnation en première instance nous invite à penser la transformation indispensable de l’audiovisuel public et plaide pour une loi sur l’audiovisuel public qui soit déposée rapidement». La réforme de l’audiovisuel public est poussée par l’Elysée qui souhaite qu’elle soit votée d’ici à la fin de l’année. «Cette transformation de l’audiovisuel public vise notamment à moderniser les modes de nomination des dirigeants et à renforcer la responsabilité des dirigeants de ces sociétés devant leurs conseils d’administration», rappelle la ministre de la Culture. Parmi les pistes de réforme envisagées : la création d’une holding regroupant Radio France et France Télévisions avec un dirigeant unique. «Je suis surpris par le revirement de la ministre et je ne comprend pas sur quoi il est fondé. C’est une déclaration d’autant plus étonnante que Mathieu Gallet n’est pas condamné : une décision a été rendue et nous avons fait appel, il sera condamné (ou blanchi) quand la Cour d’appel de Paris aura statué», a déclaré l’avocat de Mathieu Gallet, Christophe Ingrain. «Hier, la ministre faisait état de son attachement à l’indépendance des médias et aujourd’hui sa déclaration a pour objet d’influencer le CSA… Au-delà de la mise en cause de la présomption d’innocence, cette déclaration pose la question de l’indépendance des médias publics», a-t-il souligné. Une ligne qui rejoint celle du conseil d’administration de Radio France, a indiqué un administrateur, à l’issue d’une réunion informelle avec Mathieu Gallet mardi : «M. Gallet a fait appel donc juridiquement il est innocent». Selon cette source, les administrateurs ont rappelé «le respect des règles de gouvernance du conseil d’administration et du CSA» ainsi que «la bonne marche depuis trois ans de Radio France quant à son audience et à son équilibre financier» et «le mot démission n’a pas été employé». Le PDG de Radio France avait déjà annoncé qu’il comptait aller au terme de son mandat, fixé à mai 2019, même en cas de condamnation. Mathieu Gallet, accusé d’avoir favorisé deux sociétés de conseil auxquelles l’INA a versé plus de 400.000 euros, avait notamment fait valoir lors de son procès mi-novembre son ignorance des procédures de marchés publics. Les sages du CSA aborderont ce dossier sensible lors de leur assemblée plénière hebdomadaire prévue ce mercredi, sans nécessairement prendre de décision dans l’immédiat. Interrogé fin novembre par l’Association des journalistes médias, le président du CSA Olivier Schrameck avait souligné qu’il n’y avait «pas de précédent», que la loi de 2013 ne prévoyait «aucun critère» pour motiver le retrait d’un mandat.