Accès des enfants aux sites porno, arnaques… Le Sénat a entamé mardi la discussion d’un projet de loi pour «sécuriser» internet et protéger les plus vulnérables, percuté par la mise en cause des réseaux sociaux dans les violences récentes. «Les réseaux sociaux jouent un rôle d’amplification et de massification des appels à la violence à l’égard des élus, des forces de l’ordre (…). Nous ne pouvons pas rester indifférents», a affirmé le rapporteur LR Patrick Chaize. Le sénateur de l’Ain a annoncé avoir déposé un amendement pour «mieux responsabiliser les réseaux sociaux dans la modération des contenus faisant appel à la violence». «Pendant les jours et les nuits que nous venons de traverser, les réseaux sociaux ont joué un rôle indéniable dans la propagation des pillages et des violences» consécutifs à la mort du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre, a appuyé le rapporteur centriste Loïc Hervé. Le projet de loi permet d’adapter le droit français aux nouveaux règlements européens DMA (Digital Markets Act) et DSA (Digital Services Act). Ceux-ci imposent aux plus gros acteurs du numérique une batterie de nouvelles règles en matière d’abus de position dominante ou de régulation des contenus problématiques. Mais il est aussi l’occasion d’intervenir «dans les désordres qui s’accumulent dans l’espace numérique» et touchent en particulier «les Français les plus modestes, les plus âgés» et les enfants, a souligné le ministre chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot. Dans la lutte contre l’accès des mineurs aux sites pornographiques, le texte renforce les pouvoirs confiés à l’Arcom, reprenant plusieurs recommandations formulées par la délégation du Sénat aux Droits des femmes dans son rapport «Porno: l’enfer du décor». 2,3 millions de mineurs visitent chaque mois un site «adulte», selon l’Arcom. L’autorité de régulation se voit chargée d’élaborer «un référentiel» avec les exigences techniques auxquelles devront répondre les systèmes de vérification d’âge pour l’accès aux sites. Elle pourra ordonner le blocage, sans la décision d’un juge, des sites pornographiques qui ne vérifient pas l’âge de leurs visiteurs. Face aux multiples tentatives d’escroqueries par mail ou SMS, le projet de loi met en place un «filtre anti-arnaques» gratuit adressant un message d’avertissement à toute personne qui s’apprête à se diriger vers un site identifié comme malveillant. Les sénateurs ont précisé en commission que le message devra «être clair, lisible, compréhensible». Le texte prévoit une nouvelle peine complémentaire de «bannissement» que pourra prononcer un juge lorsqu’il condamnera une personne pour des faits de haine en ligne, de cyber-harcèlement, ou autres infractions graves. En commission, les sénateurs ont étendu le champ des infractions concernées, intégrant les menaces et intimidations contre les élus. Loïc Hervé proposera «d’aller plus loin» en créant «un délit d’outrage en ligne» pour «celles et ceux qui tiennent en ligne des propos offensants ou injurieux». Le gouvernement a de son côté déposé un amendement pour cibler les «deepfakes», technique de synthèse qui permet de créer des images trompeuses. Concernant les entreprises françaises utilisatrices du cloud, le texte entend réguler certaines pratiques commerciales répandues sur le marché des services d’informatique qui altèrent le jeu de la concurrence. Parmi les autres mesures, est prévue une plateforme unique centralisant les données relatives aux meublés de tourisme mis en location dans chaque commune. En commission, les sénateurs ont proposé une 1ère définition en droit des jeux à objets numériques monétisables (Jonum), «à la croisée des jeux de loisirs et des jeux d’argent et de hasard», et les ont autorisés à titre expérimental pour une durée de 3 ans. Selon l’Autorité nationale des jeux, entre 1.200 et 2.500 de ces jeux sont en phase de développement, dont une quinzaine en France.