Snap fait une entrée fracassante jeudi à Wall Street

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Snap, la maison mère de la populaire messagerie mobile Snapchat, a fait une entrée fracassante jeudi à Wall Street, confirmant l’appétit des investisseurs pour l’économie du net en dépit de doutes sur la rentabilité du secteur. L’action, dont le prix d’entrée avait été fixé à 17 dollars, flambait de 47% vers 17h00 GMT, soit 45’ après son introduction en Bourse. Elle atteignait 24,99 dollars.La société, lancée en 2011 sous le nom de «Picaboo» et rendue célèbre par ses messages éphémères et ses filtres photographiques, était désormais valorisée quelque 35 milliards de dollars, faisant de ses deux jeunes créateurs, Evan Spiegel et Bobby Murphy, des multi-milliardaires pas encore trentenaires.

L’entreprise rebaptisée Snap en septembre perpétue ainsi le mythe des success story de l’économie du net, provoquant le même emballement des investisseurs et alimentant de nouvelles craintes d’une bulle technologique. Après avoir atteint son premier million d’utilisateurs en 2012, Snapchat en revendiquait 161 millions en décembre dernier et son chiffre d’affaires a été multiplié par sept l’an dernier, à 404 millions de dollars. Mais la start-up a parallèlement accusé une perte nette de 515 millions de dollars en 2016 et doit désormais prouver qu’elle peut rentabiliser son application très prisée des 18-25 ans avec ses messages disparaissant aussitôt après avoir été lus. Certains experts doutent des perspectives de Snap dans un environnement très concurrentiel où certains de ses rivaux comme Facebook ou Google disposent d’une force de frappe financière bien supérieure. «Quand on évalue cette société avec les indicateurs financiers traditionnels (…), l’entreprise ne devrait jamais être valorisée au niveau qui est le sien», relève Michael Wade, professeur de technologies à l’université de Western Ontario. Selon lui, Snapchat est – comme Twitter – par essence «très mal adapté» aux annonceurs qui pourraient rentabiliser l’application. «Snap est une grande entreprise avec une valorisation de 500 millions de dollars mais c’est un désastre total au-dessus de ce seuil», estime Trip Chowdhry de Global Research Equities, estimant que la valorisation actuelle «montre vraiment que les marchés sont complètement déconnectés de la réalité». Dans son projet de cotation, Snap a esquissé un virage stratégique: le groupe a assuré que son application servait «pour bien davantage» que des messages badins et pourrait générer des revenus «sains» et «durables» grâce à la publicité pour ses jeunes utilisateurs. Snap a également dit vouloir «réinventer la caméra» et avait annoncé en septembre la prochaine mise en vente de lunettes de soleil connectées et équipées de caméras miniaturisées, marquant sa 1ère incursion dans les accessoires. La jeune start-up a toutefois reconnu n’avoir aucune garantie de séduire des publics plus âgés, à commencer par ses investisseurs: lors de la tournée de présentation précédant l’entrée en Bourse, elle a dû prévoir une vidéo pour tout expliquer du fonctionnement de son application vedette aux plus sceptiques. Le titre sera scruté dans les prochains jours et semaines à Wall Street pour savoir si l’euphorie actuelle est appelée à durer ou si on se dirige vers un nouveau scénario à la Twitter. Le réseau de messagerie avait décollé à son entrée en Bourse en novembre 2013 touchant son pic en janvier 2014 à 69 dollars avant de décliner inexorablement face aux doutes croissants concernant une entreprise qui n’a jamais dégagé le moindre centime de bénéfices en dix ans d’existence. Le titre vaut aujourd’hui près de 16 dollars, soit près de trois fois moins que son prix d’introduction. Le sort de Snapchat sera aussi guetté avec attention par d’autres stars du net, comme le service de location de voitures avec chauffeur Uber ou la plateforme de locations de logements Airbnb, qui attendent de prendre la température des marchés avant de décider ou non de se lancer dans le grand bain.